LA LÉGION ÉTRANGÈRE A 187 ANS

Créée en 1831 pour répondre à des besoins conjoncturels, la Légion étrangère est aujourd’hui encore présente sur de nombreux théâtres d’opérations. Au-delà d’un mythe, elle demeure une unité d’élite connue partout au monde.

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Le capitaine Danjou et ses hommes à Camerone (Mexique)

Louis-Philippe crée la Légion étrangère le 9 mars 1831, pour apporter un complément de troupes dans la conquête de l’Algérie qui vient de commencer et occuper les nombreux étrangers présents sur le territoire national : Révolutionnaires étrangers en France ou soldats sans emploi après les guerres impériales. C’est dernier ayant souvent plus de pièces d’état civil, le législateur autorise les engagements sur simple déclaration d’identité. Cette disposition, à l’origine simplement utilitaire, permet en pratique de commencer une nouvelle vie. Une grande part du mystère qui entoure le légionnaire vient de cette deuxième chance que la Légion offre à ceux qui acceptent des règles. La loi du 9 mars 1831 pose ainsi les premiers principes essentiels qui fondent, encore aujourd’hui, la particularité de la Légion : Le service à titre étranger et la possibilité de servir sous l’identité déclarée.

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Photo du capitaine Danjou

Depuis cette date, le flux des étrangers qui viennent s’engager résulte des nombreuses crises qui ont secoué le monde : Révolution européennes su XIXe siècle, annexion de l’Alsace-Lorraine par l’Allemagne en 1870, guerre d’Espagne et montée du nazisme dans les années 1930, fin de la Seconde Guerre mondiale ou encore chute du mur de Berlin. À l’inverse, chaque fois que la France pense ne plus avoir besoin des régiments étrangers, elle envisage de les dissoudre ou réduit fortement leurs efficacités : Au début des années 1860, à la veille de la guerre de 1870, au lendemain de cette guerre ou les engagements sont limités aux Alsaciens-Lorrains et aux Suisses, à la fin de la guerre d’Algérie, ou en 1978.

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Soldats de la Légion étrangère, fin du XIXe siècle

À l’initiative du général Bernelle, un des premiers commandants de la Légion, suivant le principe de l’amalgame principe de base qui, avec l’apprentissage systématique du français, contribue, encore aujourd’hui, à la cohésion et à l’esprit de corps particulièrement fort qui règne à la Légion, les légionnaires sont répartis sans distinction de nationalité et non regroupés, par unité en fonction de leur origine. Débarqués en Algérie en août 1831, les légionnaires reçoivent le baptême du feu le 27 avril 1832, devant maison Carrée et se taillent la réputation de soldats vaillants et endurants au fil des combats.

Maniant tour à tour la pioche et le fusil, ils imposent un style qui deviendra bientôt la marque de la Légion : Le soldat-bâtisseur, construisant notamment leur maison-mère, Sidi-bel-Abbès. Le 29 juin 1835, la Légion forte de 4 000 hommes, est cédée au gouvernement espagnol pour soutenir la reine Isabelle II dans sa lutte contre la rébellion carliste. Les combats sont terriblement éprouvants, car ni la France, ni l’Espagne ne soutiennent financièrement les légionnaires. Ceux-ci manquent en permanence de tout. Pourtant commandés par des chefs charismatiques, tel que le général Bernelle ou le colonel Conrad, il se comporte bravement. En 1838, seul 500 légionnaires rejoignent la France.

L’absence des légionnaires se faisant cruellement sentir en Algérie, le 16 décembre 1835, Louis-Philippe décide la création d’une nouvelle Légion étrangère qui en 1840, se scinde en deux régiments. La nouvelle Légion marche sur les traces de son aînée. Constantine (1837), Djidjelli (1839), Millianah (1840), Zaatcha (1849), Ischeriden (1857) constituent les étapes d’un parcours glorieux.

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Retour de la Légion étrangère après une reconnaissance sur le Ziz, Boudnib (Maroc, mai 1911 

Ainsi préparée, la Légion est tout aussi capable de participer à des conflits opposant des puissances européennes que de mener à bien des conquêtes coloniales. La guerre de Crimée (1854-1856) et la campagne d’Italie (1859) en sont des preuves éclatantes. Sans interrompre leur action en Algérie, les légionnaires s’y illustrent à l’occasion de batailles rangées comme l’Alma (20 septembre 1854) ou Solférino (24 juin 1859), lors de prises de villes comme Magenta (4 juin 1859), ou encore le longs sièges comme à Sébastopol (hiver 1854-1855 et printemps 1855). Mais c’est au Mexique (1862-1867)  que la Légion conquiert sont plus beau titre de gloire, lors du combat de Camerone (30 avril 1863). L’héroïque résistance des 65 hommes de la compagnie du capitaine Danjou face à 2 000  Mexicains devient un symbole d’un modèle de comportement au combat.

En 1870, pour la première fois, contrairement à ce que prévoyait l’ordonnance de 1831, la Légion est appelée à servir sur le territoire continental du pays. Elle incorpore également dans ses rangs des volontaires à statut particulier; Les engagés volontaires pour la durée de la guerre (EVDG). De 1883 1914, le gouvernement renforce les effectifs de la Légion et en fait le fer de lance de ses corps expéditionnaires. Au Tonkin, dès 1883, sur l’île de Formose (1885), au Soudan (1892-1893), au Dahomey (1892-1894), à Madagascar (1895-1905) et au Maroc (1900-0934), les chefs militaires et coloniaux apprécient la valeur exceptionnelle de cette troupe à qui l’on peut tout demander. La réputation de la Légion étrangère est telle que le général Gallieni,  désigné pour prendre le commandement du corps expéditionnaire de Madagascar, demande d’emmener avec lui des légionnaires afin de pouvoir, le cas échéant, mourir convenablement. La Légion est à l’œuvre au Maroc quand la première Guerre mondiale éclate. Une tradition toujours en vigueur, s’applique alors : On demande aux légionnaires originaires du pays adverse s’ils souhaitent ou non se battre contre leurs concitoyens. Tandis que les légionnaires d’origine allemande restent au Maroc, le reste de la troupe, renforcée par des volontaires venus de tout l’Occident, combat en France et aux Dardanelles.

En 1914, cinq régiments de marche sont constitués. En raison des pertes sévère, ils sont réunis en un seul, le 11 novembre 1915, pour former le légendaire RMLE (régiment de marche de la Légion étrangère) dont le principal chef est le non moins légendaire général Rollet, surnommé le Père de la Légion, car il lui redonna une âme après le chaos provoqué dans ses rangs par la Grande Guerre. Le RMLE ramène après cette guerre le drapeau le plus décoré de l’armée française avec celui du régiment d’infanterie coloniale du Maroc.

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Drapeau du RMLE, le lieutenant-colonel Rollet et sa garde, janvier 1918

À partir de 1920, la Légion, complétée d’un régiment de cavalerie formé essentiellement avec des Russes blancs, est engagée sur deux théâtres : Au Levant, Syrie et Liban, dans le cadre d’un mandat de la Société des Nations, et au Maroc, pour achever la pacification. Inlassablement, les légionnaires marquent le territoire de leur trace. Le plus bel exemple de leur œuvre reste le tunnel de Foum Zabbel, percé au pic et à la pioche dans le granit sur la route di Ziz. Bâti par les sapeurs pionniers du 3e étranger, cet ouvrage est toujours mentionné sur les cartes actuelles comme étant le tunnel du légionnaire. En 1939, la Légion présente le plus gros effectif de toute son histoire, avec plus de 45 000 hommes. Les 11e et 12 REI (régiment étranger d’infanterie), le GRD (groupe de reconnaissance divisionnaire) 97 les 21e 22e et 23e  RMVE (régiment de marche volontaire étranger) disparaissent dans la tournante de 1940. Après s’être illustrée à Narvik (Norvège), la toute jeune 13e DBLE (demi-brigade de la Légion étrangère), ralliée au général de Gaulle, s’engage dans une épopée qui la mène de Bir Hakeim jusqu’à la victoire finale, aux côté du 1er REC (régiment étranger de cavalerie) et du nouveau RMLE.

Cette épopée glorieuse ne doit cependant pas cacher les importantes difficultés que rencontre alors la Légion, confrontée à la scission de la France en deux camps : Faut-il rejoindre le général de Gaulle ou rester fidèle au maréchal Pétain. Ce choix se pose notamment en Syrie, au mois de juin 1941, quand la 13e DVLE se trouve face au 6e étranger resté fidèle à Vichy La Légion sort pourtant renforcée de la Seconde guerre mondiale. Certes, la pression exercée sur elle par l’Allemagne et l’Italie afin de récupérer leurs ressortissants et l’engagement politique de la plupart de ses cadres ont failli ébranler son intégrité. Mais sa réorganisation, son intégration au sein des troupes qui libèrent la France entre 1944 et 1945 et sa participation efficace à de nombreux combats glorieux ont finalement permis de la ressouder et de la rendre plus forte.

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Monument aux morts de la Légion étrangère à Sidi-Bel-Abbès le 30 avril 1931

La guerre se termine en Europe le 9 mars 1945, les Japonais attaquent par surprise les garnisons françaises d’Indochine. Une retraite épique, menée avec énergie par le général Alessandri,  permet au 5e REI, le régiment de Tonkin, de se regrouper en Chine après deux mois de marches et de combats. À partir de 1946, le 2e REI, la 13e DBLE, le 3e REI et le 1er REC débarquent en Indochine, bientôt renforcés par des unités d’un type nouveau : Les bataillons étrangers de parachutistes. Le gouvernement ne voulant pas engager le contingent, la Légion est largement mis à contribution. Ses effectifs atteignent 30 000 hommes, dont une majorité d’Allemands. De Phu Tong Hoa à Dien Bien Phu, la Légion perd 300 officiers dont 4 chefs de corps et plus de 11 000 sous-officiers et légionnaires. Cette campagne est la plus meurtrière de toute l’histoire.

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Défilé du RMLE à l’Arc de triomphe, paris 18 juin 1945

Avant même que cessent les hostilités en Indochine, les premiers troubles éclatent en Afrique du Nord. La Légion combat d’abord au Maroc et en Tunisie. En Algérie ensuite, ou elle inflige de sévères pertes aux rebelles. Cependant l’Algérie acquiert son indépendance et les légionnaires quittent cette terre sur laquelle, 130 ans plus tôt, leurs aînés avaient débarqué. En 1962, le monument aux morts et la maison Mère quittent Sidi-bel-Abbès pour Aubagne.

La Légion aborde les années 1960 dans une configuration totalement nouvelle. À l’instar du reste de l’armée, ses effectifs ont largement diminué et son centre de gravité se déplace en métropole. Elle conserve néanmoins une forte vocation à l’emploi outre-mer.

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Légionnaires en route pour la Norvège

Des garnisons sont créées à Madagascar, en Guyane, à Djibouti, en Polynésie française et aux Comores. Alors que le baroud (combat) est rare, le légionnaire se lance dans des chantiers dignes de ses anciens du Maroc. Le 5e RE crée en Polynésie les infrastructures nécessaires aux essais nucléaires français. En Guyane, le 3e REI accomplit des exploits pour percer la route de l’est et aménager le site de lancement du  centre spatial guyanais. En métropole, d’autres unités travaillent ç la construction de pistes dans les grands camps militaires du sud de la France.

À partir de 1969, la Légion prend part à différentes opérations extérieures, d’abord dans le cadre d’accord de défense passés entre la France et des pays étrangers, notamment africains (Tchad, 1969-1970, puis 1978-1988; Kolwezi au Zaïre, 1978), puis dans un cadre qui devient multinational, ONU, OTAN (Liban à partir de 1983; Cambodge 1992-1993; Somalie, 1992-1993 Ruanda avec l’opération Turquoise, juillet à septembre 1994; ex-Yougoslavie, depuis 1993;Bangui 1996; Brazzaville, 1997), aussi bien pour des missions de rétablissement ou de maintien de la paix que pour évacuer des ressortissants lors de crises. Au sein de la division Daguet, plus de 2 500 légionnaires participèrent à l’opération Tempête du Désert, le 1er RCE le 2e REI et le tout jeune 6e REG y gagnent chacun une citation à l’ordre de l’armée.

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La Légion étrangère pendant la guerre d’Indochine en 1946

Rétablissement et maintien de la paix, interposition, maintien de l’ordre, collecte d’armes : Les légionnaires s’adaptent à toutes les missions. En 2002, ils sont à Kaboul, pour participer à la formation de la nouvelle armée afghane ou contribuer au déminage. En 2004 2005 la Légion est engagé en Haïti, en Afghanistan (opération PAMIR et Epidote), en Côte d’Ivoire, au Kosovo et en Asie du Sud-Est opération BERYX d’aide aux victimes de catastrophes naturelles. En 2006, elle est engagée à nouveau en Côte d’Ivoire, mais aussi au Liban, dans le cadre de l’opération BALISTE, puis de la FINUL renforcée. Actuellement, les 8 000 cadres et légionnaires issus de 36 pays différents répartis en 11 régiments effectuent les mêmes missions que leurs camarades de l’armée de Terre, aussi bien hors de nos frontières que sur le territoire national. La Légion se distingue toutefois toujours par ses spécificités : Recrutement particulier, règles adaptées et esprit de corps extrêmement fort entretenu par de solides traditions.

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Cérémonie de Camerone à Aubagne en 2009

La tradition à la Légion, plus que partout ailleurs, sont fondamentales. Elles lui donnent son identité, concourent à sa puissance et à son renom, comme au sein d’une nation. Legio Patria Nostra, la tradition fédère des légionnaires autour de mêmes valeurs symbolisées par une devise Honneur et Fidélité; par un hymne le Boudin; par des couleurs, vert et rouge; et par un symbole, la grenade à sept flammes. Elle leur donne des signes de reconnaissance en leur permettant de porter un uniforme bien spécifique, connu partout dans le monde, grâce au célébrissime képi blanc, aux épaulettes vertes et rouges et à la ceinture bleue. 

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Défilé de la Légion étrangère le 14 juillet 2009 

Elle met en avant, deux fêtes qui, à elles seules résument l’état d’esprit qui règne à la Légion : Noël, fête de la famille légionnaire et Camerone, cérémonie d’hommage aux morts destinée à entretenir la fierté d’appartenir à une troupe ou la parole donnée est sacrée.

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