L’Allemagne entre tardivement dans le concert des puissances coloniales en Afrique. Ce n’est qu’après la conférence de Berlin en 1885, que se dessine la carte des colonies de l’Empire germanique. Situés principalement en Afrique et dans le pacifique, ces territoires représentent un apport de matières premières nécessaires au développement industriel du pays. La Première Guerre mondiale et la signature de traité de Versailles mettront fin à l’Empire après seulement 35 ans d’existence.
Le partage de l’Afrique devenant une question épineuse entre les différentes puissances, la conférence de Berlin, qui réunit treize pays européens et les États-Unis en 1885, aboutit à édicter des règles officielles de colonisation. La politique de l’engagement minimum prônée par Bismarck rencontre de farouches oppositions chez les commerçants installés dans les plantations coloniales. Suite à des divergences de point de vue liées à cette politique, Guillaume II relève Bismarck de ses fonctions en 1890. L’empereur attaché au développement de la puissance militaire et de la richesse de l’empire allemand, s’engage alors dans une politique d’expansion commerciale, coloniale et maritime.
Troupe auxiliaires indigènes Afrique Orientale allemande
Le déclenchement de la Première Guerre mondiale va bouleverser se fragile équilibre et remettre en question la géopolitique en Afrique. Précédemment, la situation s’était déjà dégradée en 1904 avec la révolte des Hereros. Ce peuple qui vivait dans la colonie d’Afrique du Sud-ouest, avec pour gouverneur le Dr H. Goering, s’était révolté contre la prise de ses terres par les colons allemands. Le 10 janvier 1904, le chef Samuel Maharero attaqua la garnison d’Okahandja, ses guerriers tuant 123 civils et 60 colons en trois jours. Six mois furent nécessaires aux Allemands pour reprendre l’initiative. Un nouveau gouverneur, le général major Lothar von Trotha, débarque alors dans la colonie avec renfort de 3 500 soldats.
Askaris, Afrique Orientale allemande vers 1914
Il a pour mission de chasser les Hereros du territoire ou de les exterminer. Le 1/1 août 1904, il ordonne l’assaut général encercle le chef hereros et ses 7 500 hommes sur le plateau de Waterberg, les contraignants à se replier dans le désert du Kalahari, les condamnant de fait ç une fin des plus tragiques. Afin de s’assurer une victoire totale sur les insurgés, il proclame le 2 octobre un ordre détermination (Vernichtigungbericht) appuyé par Berlin pour qui l’aride désert Omeheke finira ce que l’armée allemande a commencé : l’extermination de la nation hereros. Le 11 décembre, les dernières terre du peuple africain sont confisquées et les survivants, hommes femmes et enfants, sont enfermés dans des camps de travail forcé.
En 1914, quand la guerre éclate en Europe, la plupart des colonies allemandes se rendent rapidement. Cerné à ses frontières par des colonies françaises et britanniques, le Togo, qui ne dispose que d’environ 4 000 hommes pour se défendre, signe sa reddition aux troupes franco-britanniques dès le 27 août 1914, soit trois semaines après le début de la guerre. Le Sud-Ouest africain, entouré de colonies et de dominions britanniques, portugais, est aussi rapidement conquis sa capitale, Windhoeck, ou les colons allemands se sont réfugiés au début du conflit après l’abandon des comptoirs portuaires, se rend en mai 1915, au terme d’un siège de quelques semaines.
Le Cameroun, pourtant cerné par les mêmes puissances coloniales que le Togo, résiste d’avantage. Attaqués par les Français, depuis le Congo, et par les Anglais, depuis le Nigéria, les Allemands concentrent leurs forces à l’intérieur du pays près de N’Gaondéré. La Navy s’empare des ports du pays et Douala est conquise par les britanniques en septembre. Les troupes allemandes maintiennent cependant leurs positions et veillent sur leur garnison d’artillerie à Yaoundé. La progression alliée, bien que difficile en raison des conditions climatiques et des raids incessants, aboutit à la prise de la ville le 1er janvier 1916. La dernière ville du Cameroun se rend le mois suivant. Seul l’Afrique Orientale (l’actuel Tanzanie) oppose une résistance plus forte à ses adversaires. Les Britanniques, les Portugais et les Belges doivent affronter une armée allemande, la Schutzruppe, certes réduite mais composée d’officiers et de soldats Askaris (Africains des colonies allemandes) aguerris et très disciplinés. Payés et équipés correctement, ils parlent tous le swahili, quel que soit leur tribut. La troupe de la colonie est organisée en Feld Kompanie de 150 à 200 hommes armés de fusils et de deux mitrailleuses.
Au total, moins de 15 000 hommes dont 11 000 Askiris font face à un adversaire dont les effectifs dépasseront 100 000 hommes en 1916 80 000 Britanniques, 18 000 Belges et 3000 portugais. Les premiers tirs ont lieu au début d’août 1914 : Des croiseurs de la marine britannique bombardent le port de Dar-es-Salaam le 8 août, alors que, dans le même temps, le croiseur Königsberg stationne dans le delta du Rufiji. Les Allemands ripostent le 14 août en attaquant les positions belges près du lac Kivu, puis le 15, Tom von Price, le meilleur officier dont dispose le colonel Lettow-Vorbeck effectue un raid au Kenya. Le 22 les troupes de Lettow-Vorbeck attaquent le port belge de Loukouga sur les rives du lac Tanganyika. Enfin, le 20 septembre, le Königsberg coule le navire britannique Le Pégase au large de Zanzibar.
Troupes auxiliaires indigènes, Afrique Orientale allemandes 1915
Malgré les ordres de Berlin et du gouvernement général Heirich Scheen qui avait signé un pacte de non-agression avec les Britanniques, Von Price sûr que ces derniers ne tiendront pas parole, préparent la défense de la ville portuaire de Tanga. En effet, des troupes coloniales indiennes ont été acheminées depuis Bombay par les britanniques enfin d’effectuer le premier assaut sur Tanga. Arrivées le 2 novembre, elles n’attaquent la ville que le lendemain, laissant le temps aux Allemands de préparer la riposte : Les troupes du général Aitken sont repoussées par les mitrailleuses allemandes.
Unité allemande lors de la révolte des Hereros, Afrique du Sud-Ouest, 1904
En 1916, la situation commence à basculer en faveur des Alliés. Le général Jan Smuts est nommé à la tête du commandement. Avec plus de 45 000 hommes, il décide de lancer un assaut les 5 et 8 mars contre Lettow-Vorbeck, positionné sur le mont Pare, au pied du Kilimandjaro. Smuts opte pour une attaque en deux temps : Une manœuvre par le flanc, pour contourner le massif, puis dans un second temps, un assaut frontal pour encercler la position allemande.
Malgré l’habilité britannique, Lettow-Vorbeck réussit à battre en retraite et parvient à franchit la rivière Ruvu qui coule en contre-bas. Réagissant aussitôt, Smuts envoie l’officier van Deventer encore plus au sud pour surveiller la voie de chemin de fer et intercepter les Allemands.
C’était sans compter sur la saison des pluies qui provoquent des crues, véritables bourbiers pour les soldats, et apportent leur lot de maladies dont le paludisme. En mai cependant, les forces de Smuts, avec le soutien des troupes belges, verrouillent toutes les frontières. Malgré ces conditions climatiques extrêmes, van Deventer et ses hommes tiennent leur position et reprennent le contrôle de la voie ferrée sud le 28 juin 1916. Le mois suivant il occupe Tanga mais le camp allemand tient bon avec un soutien logistique suffisant. La prise de Dar-es-Salaam en septembre 1916 et le contrôle du lac Tanganyika par les Britanniques compliquent néanmoins sa situation. Lettow-Vorbeck est contraint de se replier vers les monts Ngum, très marécageux et boisés mais dont la position est idéale pour préparer sa contre-offensive. Les effectifs s’élèvent alors à 7 000 hommes seulement du côté allemand.
Le 20 janvier 1917, Smuts nommé au cabinet de guerre, impérial à Londres, est remplacé par le général sud-africain Hoskins. Mais on lui préfère rapidement son compatriote Van Deventer.
Le croiseur Köningsberg Afrique Orientale allemande, 1915
La ténacité allemande quant à elle, ne faiblit pas et permet à la Schutzruppe de remporter une nouvelle victoire en 1917. Le colonel décide de diviser ses troupes en deux :Un premier contingent qu’il mènera avec 5 000 hommes dans la vallée de Mantadu et un second contingent de 2 000 hommes placé sous les ordres de l’officier Tafel, à Mahenge distant de 250 km. Ce dernier sera rapidement isolé et se rendra le 28 novembre 1917. Lettow-Vorbeck livre bataille pendant cinq jours et remporte une victoire à Mahiwa mais se voit contraint de passer au Mozambique en raison de problèmes d’approvisionnement. Il recrute alors de nouveaux hommes et achemine du matériel avant de mener une attaque surprise à Negomano le 25 novembre 1917, contre 1 000 soldats portugais qui sont battus et réduits à demander de l’aide à la Grande-Bretagne. Après cette victoire, les troupes allemandes vont à Quelimane puis rentrent en Afrique Orientale le 29 septembre 1918 et effectuent des raids en Rhodésie du Nord ou elles détruisent le poste avancé de Fifé, le 2 novembre. Leur ultime victoire en Afrique orientale a lieu le 13 novembre 1917, alors que l’armistice a été signé depuis deux jours, le colonel allemand remporte en Rhodésie la bataille de Kasama. Quand il apprend la fin officielle des combats, il est contraint de se rendre : Il s’exécute le 25 novembre, à Albercorn. Il apprend alors que l’empereur Guillaume II lui a décerné l’ordre Pour le Mérite, la plus haute des distinctions en 1916. Tout au long de la guerre, ses effectifs ont rarement dépassé les 7 000 hommes opérationnels mais il a réussi à tenir en échec des troupes qui ont pu rassembler jusqu’à 150 000 hommes. Il reste le seul officier allemand invaincu de la première Guerre mondiale. Il a toujours été extrêmement respecté par ses troupes coloniales car, au-delà de ses qualités d’officier, il connaît la langue et les dialectes de la plupart de ses Askaris qui lui restèrent fidèles jusqu’au bout.
Patrouille Askaris, juillet 1915
Il faut également souligner le respect entre le colonel allemand et le général britannique qui gardèrent des échanges très cordiaux bien au-delà du conflit en Afrique. À la fin de la guerre, Lettow-Vorbeck rentre en Allemagne, après s’être assuré du bon traitement de ses soldats et devient major-général par autorisation signée de l’empereur. Ce geste exceptionnel témoigne de toute l’estime que lui porte Guillaume II. Après la guerre Lettow-Vorbeck s’engage dans la vie politique pendant quelques années mais, refusant d’adhérer aux idées nazies, il est mis à l’écart. Ce n’est qu’en 1953, qu’il retourne en Tanzanie ou il est reçu avec tous les honneurs de la part des britanniques comme des Askaris.
Hommage aux troupes allemandes, avec à leur tête le général Lettow-Vorbeck, à leur leur arrivée à Berlin le 1er mars 1919
C’est le traité de Versailles, signé le 28 juin 1919, qui a entériné définitivement le sort des colonies allemandes, partagées entre les vainqueurs. La tutelle est confiée aux nations les mieux désignées, par leur position géographique et leur expérience, pour exercer cette tutelle en qualité de mandataire de la Société des Nations. Ainsi sous la présidence de la SDN s’opère la répartition des territoires allemands aux grandes puissances coloniales alliées : La Belgique se voit attribuer le Ruanda-Urundi, la France une partie du Cameroun et du Togo qu’elle partage avec le Royaume-Uni, qui récupère aussi le Sud-Ouest africain passé sous la domination de l’Afrique du Sud, le Tanganyika (Afrique Orientale) et la Namibie, sans oublier les possessions allemandes dans le Pacifique.