Dans les pays belligérants comme dans les États occupés, de nombreuses restrictions alimentaire sont mises en place dès les premiers mois de guerre En France, les ressources principales sont réquisitionnées par l’occupant et envoyées vers le front pour améliorer la vie des soldats. Un autre combat se livre alors pour les villes et les campagnes : Trouver de quoi manger. Les femmes seront en première ligne dans cette bataille.
Distribution de vivres organisée à Wissembourg en Alsace, par l’entraide marocaine à la France
Alors que les hommes sont au front ou prisonniers de guerre, les femmes reprennent le travail agricole. Pourtant, la production de biens de consommation baisse. En février 1940, Paul Reynaud, alors ministre des Finances, annonce à la radio que le rationnement de la population française est envisagé. Un mois plus tard, un décret puis un arrêté interministériel imposent aux Français de se faire recenser auprès des mairies enfin d’établir des cartes de rationnement. En juin 1940, neuf mois après la déclaration de guerre, la France capitule. Le gouvernement du maréchal Pétain signe un armistice le 22 juin dans lequel sont décrites, entre autres, les conditions d’occupation de la France ainsi qu’une clause particulière concernant le ravitaillement de l’armée allemande par le pays vaincu.
Affiche éditée par la Croix Rouge française (Service social) et réalisée par R. Rocher afin d’inciter les Français à économiser
L’Allemagne nazie occupe désormais la France divisée en plusieurs zones. Les échanges commerciaux entre les pays d’Europe et le reste du monde, mais également entre certaines zonez françaises sont désorganisés ou interdits. La France doit donc apprendre à vivre en autarcie. Ce pays agricole et viticole devient le garde-manger du Reich. Les prélèvements de l’occupant atteignent 15 à 20% de la production agricole française. Les restrictions alimentaires vont s’intensifier jusqu’à la fin de la guerre, et même au-delà. Dès le mois d’août 194, des cartes de rationnement et des tickets d’alimentation sont distribués pour le fromage, le pain et la viande. Ces tickets sont un droit d’acheter et ne remplacent aucunement la monnaie. Ils ne garantissent pas d’avantage l’approvisionnement.
Pour mettre en place un système de rationnement complexe, le ministère du Ravitaillement est créé le 20 octobre 1940. Attribués par les mairies, les tickets sont distribués selon la composition de familles, divisée en plusieurs catégories, elles-mêmes déterminées par l’occupant : Les enfants de moins de 3 ans, ceux de 6 à 13 ans (J2), les jeunes de 13 à 21 ans (J3), les femmes enceintes et les femmes allaitants, les adultes de 21 à 70 ans, les travailleurs de force suivant la dureté du travail, les personnes de plus de 70 ans, etc. Chaque catégorie a droit à une quantité précise de pain, de viande, de beurre et autres denrées.
Queue pour se ravitailler devant une boulangerie
En Camargue, la salicorne remplace les haricots verts; dans la région lyonnaise, les corbeaux entrent dans la préparation des bouillons. En 1941, le blocus maritime britannique sur l’Europe continentale empêche l’importation de denrées alimentaires venues des colonies comme le café, le poivre, et les fruits. En 1942, la météo s’en mêle : La rudesse de L’hiver détruit bon nombre de récoltes. Chaque Français lit assidûment les journaux qui annoncent les dates de distributions exceptionnelles d’aliments comme la pomme de terre, la viande ou le poisson. Malgré l’interdiction d’augmenter les prix, les tarifs s’envolent. La faim fait désormais partie du quotidien d’une grande majorité de la population française. Le règne du système D commence alors.
Durant la guerre, les bombardements ennemis sur les axes de circulation routière (pont) et ferroviaires (voies ferrées et gares) ainsi que la pénurie de carburants rendent difficile voire impossible de l’acheminement des denrées entre régions et l’approvisionnement des villes. Les problèmes de ravitaillement s’intensifient à quelques semaines du débarquement en Normandie, quand les sabotages se multiplient. Dans les grandes villes, les balcons accueillent désormais poulaillers ou clapiers à lapins. Les carottes et les poireaux remplacent les géraniums dans les bacs à fleurs. À Paris, une partie des jardins des Tuileries, se transforme en potager collectif, tout comme l’l’hippodrome de Saint-Cloud et la cour du Louvre. En province, les grandes étendues de Sologne et de la Crau sont mises en culture. Le retour à la terre est préconisé.
Le mot allemand ersatz fait son apparition pour désigner les succédanés : Le café pur, dont la vente est interdite au début de l’année 1941, est remplacé par des glands (avec lesquels il est également possible d’extraire de l’huile), du maïs grillé ou encore des pois chiches. Les topinambours et les rutabagas se substituent à la pomme de terre, plus énergétique et réservées en priorité aux soldats allemands. Les rutabagas sont sans tickets et on n’a même pas besoin de faire la queue pour les acheter, parce que ce n’est pas vraiment bon. Ce sont de gros navets qui servent d’habitude à nourrir les bêtes à la campagne, explique Jean-Louis Besson dans ses souvenirs d’enfance. La guerre se prolongeant, le rationnement devient de plus en plus strict et certains aliments rares et onéreux. Les Français maigrissent; les carences importantes perturbent la croissance des enfants. C’est pourquoi, dans certaines écoles, des biscuits vitaminés ou des fruits secs sont distribués aux élèves. Les livres de cuisine s’adaptent à ces nouvelles conditions. Les Français apprennent à réaliser des potages avec de l’ortie blanche, du mouron, de la luzerne.
Un exemple de la pénurie alimentaire
De nombreux livres apparaissent pour aider les ménagères à cuisiner différemment. En 1940, H.P. Pellaprat signe 340 recettes de cuisine pour les restrictions alimentaires, chez Flammarion. La même année, Edouard de Pomaine médecin chef de service à l’Institut pasteur, écrit Cuisine et restrictions indiquant, en plus d’idées recettes, les aliments à privilégier en raison des calories qu’ils apportent. Il donne également quelques astuces pour ne rien perdre : Récupérer les croûtes de pain pour en faire du pain perdu ou les écraser une fois sèches pour les transformer en chapelure, elles serviront à faire cuire les légumes le moins possible, une cuisson prolongée détruisant les vitamines. Les journaux et les emballages des produits alimentaires proposent également des recettes adaptées. Une recette de Maïzena propose de préparer une omelette bien épaisse avec un seul œuf, un peu de lait et du saindoux auquel est ajoutée une grosse cuillère de maïzena. Encore faut-il trouver du lait.
Des recettes s’échangent durant l’attente, souvent très longue, devant l’épicerie ou la boucherie. On s’enquiert de la préparation du pâté sans viande dans laquelle un cube de Viandox apporte mélangé à la farine, l’œuf et à l’eau, le goût du bœuf, si rare en ville. Pour le dessert, il est proposé une crème de rhubarbe, éplucher les tiges de rhubarbe, les faire cuire dans l’eau et la saccharine (succédant du sucre, vendue en pharmacie) puis incorporer la crème d’orge diluée dans l’eau à la compote de fruits ainsi obtenue et laisser refroidir.
Ouvrage consacré aux restrictions alimentaire publié en 1940
Pour préparer les confitures, le sucre, faisant défaut, est remplacé par du moût de raisin ou de pommes concentré, ou encore du sucre de citrouille. Le nombre de pots est restreint. La saccharine va, à son tour, être rationnée. Pour en obtenir, certains vont même se faire passer pour des diabétiques. La saccharine n’ayant pas les mêmes qualités nutritives que le sucre, elle ne sera bientôt réservées qu’à ces malade. En Corse, occupée par l’armée italienne, le blé est remplacé par la châtaigne dans la fabrication de la farine. En raison de la pénurie de viande sur l’île, le braconnage se développe : Le gibier remplace le bœuf alors qu’à Paris, ce même gibier est introuvable sur les marchés. En Bretagne, certains fours à pain traditionnels construit dans les campagnes au Moyen-âge, sont restaurés afin de permettre aux familles de cuire leurs pains. À Lyon, la traditionnelle quenelle à chair de brochet ou de volaille se transforme, pour la première fois depuis 1830, en quenelle nature.
Les Parisiens font la queue pour le ravitaillement devant les commerces
En ville, chanceux sont ceux qui reçoivent des colis agricoles de la famille restée vivre à la campagne. Œufs frais, gigots, fromages, huile d’olive deviennent de véritables trésors. Tout cela envoyé en petite quantité, les réfrigérateurs étant encore inconnus de la majorité des foyers français, perdre ces denrées pour des problèmes de conservation eût été impensable! Conséquence du manque de carburant, d’engrais, de main-d’œuvre et de la pénurie de pièces de détachées pour les machines agricoles, les restrictions alimentaires se font également ressentir dans les campagnes. De plus l’armée allemande réquisitionne les animaux des fermes. Le cheptel diminue d’autant plus vite que la sous-alimentation des animaux réduisent le taux de natalité. La production de viande et de lait s’amenuise tout autant.
Le beurre se faisant de plus en plus rare et coûteux, il est remplacé par le saindoux fabriqué à partir de lard de porc. Parfois ce même beurre est étiré : Une petite quantité laissé à température ambiante, est mélangée ç une quantité égale d’eau tiède. Il est parfois plus facile de trouver de la volaille, des œufs ou de la farine. Entre ville et campagne, entre zone libre et zone occupée, s’organise alors un marché noir. Les mairies sont cambriolées, des parquets de cartes d’alimentation disparaissent sur le marché noir malgré le risque de peine de mort ou de travaux forcés pour les malfaiteurs.
Distribution en Alsace, par le personnel féminin du Service social de la 1ère armée française
Un nouveau trafic apparaît, celui des fausses cartes de rationnement. Entre juin 1940 et juin 1944, l’armée allemande a emporté 2 845 000 tonnes de blé soit la moitié d’une récolte annuelle et presque autant d’avoine, 845 000 tonnes de viande soit plus que la consommation des 40 millions de Français pendant l’année 1941, 711 000 tonnes de pommes de terre, 220 millions d’œufs.
Distribution de vivres à la population civile alsacienne
Les Français, qui espéraient que les problèmes de ravitaillement et les restrictions alimentaires disparaîtraient avec les derniers occupants, ont dû utiliser leurs tickets de rationnement jusqu’en 1949. Le premier et dernier aliment rationné sera le pain, si cher aux français. Les problèmes de ravitaillement se prolongeront, quant à eux jusqu’en 1952.