En 1939, la France est la deuxième puissance navale d’Europe. À la différence des navires de surface qui connaissent un sort tragique et participent peu au conflit, les sous-marins français prennent une part active aux combats tout au long de la guerre durant laquelle ils payeront un lourd tribu.
Le sous-marin Poncelet, juin 1939
Au moment où la guerre éclate, la France dispose de la troisième flotte sous-marine après la Grande-Bretagne et l’Italie. Celle-ci se divise en deux types de navires, d’une part, les grands sous-marins océaniques, dont 9 de la classe Requin (1 100 tonnes) et 29 de la classe Redoutable (1 500 tonnes), et d’autre part, les 40 sous-marins côtiers de 600 à 630 tonnes des classes Sirène, Ariane, Circé, Argonaute, Diane, Orion, Minerve, Aurore et Saphir. La Marine nationale dispose également de plus grands sous-marins croiseur au monde, le Surcouf, de 3 300 tonnes et équipé de deux canons de 203 mm.
Le sous-marin Minerve en Grande-Bretagne, juillet 1940
La flotte sous-marine française souffre cependant de problèmes majeurs. En effet les sous-marins océaniques ont été mis en chantier dans les années vingt et ne disposent pas d’équipements modernes, en matière de détection. De plus, l’usure des machines les rend peu fiables et demande d’importants travaux de réparation. Les petites unités de 600 tonnes ont été conçues pour des tâches de défense côtière et ne sont pas aptes à remplir de longs trajets. Enfin, le Surcouf, fierté des sous-mariniers français, n’a que peu de valeur tactique. Lourdement armé, il ne dispose pas d’une vitesse suffisante pour lutter contre les navires de guerre allemands, peu nombreux mais très modernes.
Lorsque l’Allemagne envahit la Pologne, les forces navales franco-britanniques mettent en place un blocus contre le IIIe Reich. Avec la menace que fait peser l’entrée en guerre de l’Italie, les deux alliés se répartissent les secteurs d’opération. Pendant que la Royale Navy concentre ses bâtiments en mer du Nord, les trois quarts des sous-marins français sont basés en Méditerranée. Les unités restantes basés à Brest, à Cherbourg et dans les colonies, sont, quant à elles chargées de traquer les derniers navires de commerce allemands.
L’équipage d’un sous-marin britannique acclamé par la foule à son retour de mission dans les fjords de Norvège, avril 1940
Au cours de la Drôle de guerre, les sous-marins français sont employés dans différents types de missions avec un résultat mitigé. Le faible nombre de navires ennemis dans l’Atlantique combiné à l’absence de radar rende inutiles les longues patrouilles des submersibles alliés. L’amirauté décide alors de fournir des sous-marins océaniques pour escorter des convois, mais là encore, les résultats ne sont pas ceux escomptés. À de nombreuses reprises, les navires d’escortés signalent la présence d’U-Boote alors qu’il s’agit d’escorteurs français.
Le Surcouf dans le port de Saint-Pierre et Miquelon octobre 1941
En mai et juin 1940, plusieurs sous-marins français sont envoyés en mer du Nord pour appuyer la flotte sous-marine britannique en charge du blocus des côtes allemandes. Au cours de cette dernière mission, le Rubis, qui participe à des opérations de mouillage de mines en Norvège, coule sept navires, mais durant cette même période, la Doris est torpillée par l’U-9. En juin 1940, l’entrée dans la guerre de plus de 90 sous-marins de la Regia Marina italienne laisse prévoir un grand nombre de difficultés pour la cinquantaine d’unité françaises basées en Méditerranée. Les sous-marins français sont déployés pour des missions de couverture des flottes de surface, de protection des côtes françaises et de patrouille au sud de la péninsule italienne, afin de couper les communications avec la Libye.
La flotte de la marine française dans la rade de Toulon au début de la guerre
La marine italienne cherche, quant à elle, à préserver sa flotte de guerre. De fait, les véritables menaces pour les submersibles français sont les avions basés à terre et les mines. Le 16 juin, suite à une erreur de navigation, le Morse est touché par une mine française et coule près de Sfax, ne laissant aucun survivant parmi les cinquante-trois membres d’équipage. Le 18 juin, Brest est occupé, suivi de Cherbourg le lendemain. À Brest, 5 sous-marins de 1 500 tonnes, 9 de 600 tonnes ainsi que le Jules Verne parviennent à prendre la mer malgré la Luftwaffe. Le Surcouf également à Brest, finit par quitter le port malgré des avaries et se dirigé vers Plymouth, alors que les ordres de l’amiral Darlan étaient de rejoindre un port français ou de se saborder. Cette dernière option est choisie pour l’Agosta, le Ouessant, le Pasteur et l’Achille, qui sont en carénage. À Cherbourg, quatre sous-marins évacuent la base mais quatre autres unités en construction dans les chantiers navales sont détruites. Au total, près de 80 navires de guerre quittent la métropole pour rallier les ports des colonies ou la Grande-Bretagne.
Après l’armistice du 22 juin, les Britanniques nourrissent de grandes inquiétudes quant au sort de la flotte française. Afin d’éviter que cette dernière ne tombe entre les mains des Allemands, le Premier ministre Winston Churchill déclenche, le 3 juillet, l’opération Catapult.
Celle-ci consiste à s’assurer par la force du contrôle des navires français basés dans les ports britanniques ou les colonies françaises. Les sous-marins Orion, Ondine, Junon et Minerve, qui ont trouvé refuge dans les ports anglais sont quant à eux investis par les soldats anglais. À Plymouth, une fusillade éclate à bord du Surcouf et se solde par trois morts. À Contrario à Dundee, le Rubis, qui vient tout juste de rentrer de mission, n’est pas investi par les britannique, l’équipage s’étant prononcé pour le ralliement à de Gaulle. Au même moment, à Mers-el-Kebir, après l’échec des négociations, une escadre britannique ouvre le feu, coule un cuirassé, endommage trois autres navires. Quelques jours plus tard, à Alexandrie ou est stationné la Force X, l’amiral Cunningham et l’amiral Godfroy parviennent à trouver un accord permettant la neutralisation de la flotte française.
Avant Mers-el-Kebir, l’amiral Darlan avait donné l’ordre à ses unités de regagner leurs ports d’attache pour y être désarmées conformément aux conditions d’armistice. Cependant, après le 3 juillet, les Allemands autorisent la France à employer ses bâtiments pour protéger ses colonies.
Le commandant Guirre sur le pont du Casabianca en rade à Alger, août 1943
C’est dans ce contexte que le Béveziers et le Sidi-Ferruch rallient Dakar ou sont déjà stationnés le Percée et le Poncelet. Après le ralliement de l’Afrique équatoriale française, De Gaulle et Churchill se tournent vers l’Afrique Occidentale française, le 23 septembre, une escadre anglo-gaulliste se présente devant Dakar mais ne parvient pas à rallier la ville. Les Britanniques ouvrent le feu sur la cité et son port. L’Ajax, qui vient de remplacer le Poncelet et le Persée appareillent. Ce dernier parvient à toucher le croiseur Cumberland sans le mettre hors de combat. Ne pouvant plonger à cause des faibles fonds, le Persée est touché à plusieurs reprises et coule. L’Ajax connaît le même sort similaire. Grenadé de nombreuses fois, il finit par couler le 24 septembre. Ce même jour, le Béveziers et le Sidi-Ferruch entrent en action. Le lendemain, le Béveziers réussit à torpiller le cuirassé Resolution qui rester hors-service pendant près d’un an, les Britanniques décident alors de se retirer des combats. Un mois et demi plus tard, les Français libres couverts cependant par la Royal Navy lancent une attaque sur Libreville afin d’obtenir le ralliement du dernier territoire d’Afrique équatoriale française. Le 1 500 tonnes Poncelet est pris en chasse puis coulé par les britanniques. Son équipage parvient à évacuer mais le commandant Bertrand de Saussine reste volontairement à bord et disparaît avec son navire.
L’année 1942 sonne le glas de la flotte sous-marine de Vichy, le 5 mai, les britanniques lancent une attaque sur Madagascar. Dès le premier jour, le Béveziers est coulé dans le port de Diego Suarez par des avions-torpilleurs alors qu’il tentait d’appareiller. Deux jours plus tard le Héros est coulé en pleine mer par les Swordfish et le Monge, le 8 mai. Quelques mois plus tard, lorsque les Allié déclenchent l’opération Torch, les submersibles français connaissent de lourdes pertes. À Alger, le Caïman et le Marsouin parviennent à rallier Toulon. Mais à Oran, L’Actéon et L’Argonaute sont coulés à la
Grenade. Pire quatre sous-marins sont sabordés dans le port L’Ariane, le Crès, le Danaé et le Pallas, et seul le Fresnel parvient à gagner Toulon. Mais les pertes les plus importantes ont lieu à Casablanca ou sept sous-marins Le Sidi Ferruch, le Sibylle, L’Oréade, le Psyché, l’Amphitrite, la Méduse et le Conquérant sont coulés sur les onze présents.
Mers-el-Kebir, la marine britannique attaque l’escadre de la marine française le 3 juillet 1940
La libération de l’Afrique du Nord entraîne l’invasion de la zone libre par les Allemands, le 27 novembre, ces derniers entrent dans Toulon et se dirigent vers le port. Alors que la quasi-totalité des navires se sabordent, cinq sous-marins tentent d’échapper au piège. Le Vénus sort en premier mais se saborde au large, il est suivi par le Casabianca et le Marsouin qui ont triomphalement accueillis à Alger. Vient ensuite le L’Iris qui trouve refuge en Espagne avant de rallier Oran. En tout 12 sous-marins se sont sabordés à Toulon, certains comme le Poincaré seront renfloués. Dernier événement tragique de cette année 1942, les Allemands envahissent la Tunisie en réaction à l’opération Torch. Avant la prise de Bizerte, neuf sous-marins sont pris intacts.
Le ralliement des colonies françaises et des sous-marins de Toulon au général de Gaulle, permet aux Force navales de la France libre (FNFL) de passer de trois à quinze submersibles. En effet, durant l’été 1940, cinq unités ont rallié les FNFL, le Rubis, la Minerve, le Junon, le Narval et le Surcouf. Cependant ces deux derniers furent perdus dans des accidents tragiques, le Narval qui opérait depuis Malte, fut coulé en décembre 1940 par une mine italienne. Quant au Surcouf, après une difficile remise en condition, il participa au ralliement de Saint-Pierre et Miquelon en décembre 1941. Inapte à combattre dans des mers fermées, il fut envoyé dans le Pacifique. Alors qu’il se trouvait dans la mer des Caraïbes, il fut percuté et coulé par un cargo américain dans la nuit du 18 au 19 février 1942. Une stèle sur une jetée de Cherbourg commémore aujourd’hui la mort des sous-mariniers du Surcouf.
Sabordage de la flotte française à Toulon le 27 novembre 1942
À l’été 1940, le retour dans la guerre des sous-marins ralliés à la France libre ne s’est pas fait sans difficulté. En effet, l’anglophobie de certains marins français et la stupeur causée par l’opération Catapult n’ont pas vraiment aidé des sous-mariniers à rejoindre massivement les FNFL, il a fallu donc recruter et former de nouveaux équipages. À Cet obstacle moral s’ajoutait un obstacle matériel. En effet, les arsenaux britanniques ne disposaient pas de pièces de rechange et de munitions adaptées aux sous-marins français.
La première unité à reprendre le combat fut le Rubis, qui faute de mines françaises, fut employé comme sous-marin d’attaque pendant quatre mois. Cependant, sa vitesse trop faible donna des résultats insuffisants. Les Britanniques parvinrent toutefois à le modifier pour qu’il puisse utiliser les mines Vickers Armstrong. Pendant cinq années, le rubis opéra quasiment sans interruption près des côtes et dans les fjords de Norvège : il largua 683 mines et envoya par le fond 22 navires.
Capture de trois espions nazis par le sous-marin le Dauphin
Regroupées dans la IXe flottille britannique, les sous-marins la Junon et la Minerve sont employés dans des missions de patrouille et de protection dans la bataille pour les convois de Mourmansk. Régulièrement ils mènent des opérations spéciales de débarquement de commando et de matériel au profit de la résistance norvégienne. C’est notamment dans ce cadre que le 11 septembre 1942, le Junon participe à la bataille de l’eau lourde. Il s’agit d’empêcher l’Allemagne d’obtenir les éléments nécessaires à la fabrication d’une arme atomique. Le sous-marin FNFL dépose un commando chargé de faire sauter une usine. La mission est une réussite totale. Pendant ce temps en Méditerranée, les rares unités échappées du sabordage sont rapidement réutilisées. Dès le 14 décembre 1942, le Casabianca mène une opération spéciale en Corse y transportant armes, munitions et hommes. Les autres sous-marins français en Méditerranée effectuent des patrouilles et participent à des opérations spéciales sur les côtes espagnoles. Immobilisé pendant trois ans dans le port d’Alexandrie, le Protée reprend du service en 1943. Le 23 novembre, il parvient à couler un cargo allemand au large de Saint-Tropez avant de participer à un débarquement d’agents en Espagne le 5 décembre.
Alors qu’il opère en surface dans les environs de Cassis, le 29 décembre, il subit des tirs venant de la terre. Le sous-marin plonge pour y échapper, ignorant qu’il se trouve en fait dans un vaste champ de mines. Touché au niveau du kiosque, le submersible disparaît avec tout son équipage. L’épave est retrouvée en 1995 et déclarée sépulture maritime par la Marine nationale.
Privées de chantiers navals, les FNFL ne peuvent compter que sur leurs maigres ressources pour remplacer les unités détruites. En novembre 1943, un accord franco-britannique permet à la France libre d’emprunter trois sous-marins à la Royal Navy, le Curie, le Morse II et la Doris. Des submersibles neuf biens plus modernes que les antiques 1 500 tonnes construisent dans les années vingt. Les 2 et 3 octobre 1944, le Curie attaque deux convois allemands, coule trois navires et en touche un quatrième.
Le Surcouf des FNFL
À la fin de la guerre, la flotte sous-marine française est bien mal en point. Toutes les unités d’avant 1940 sont à bout de souffle. Sur les 78 unités en 1939, on compte une douzaine de rescapées à la fin de la guerre. Parmi les 29 sous-marins de 1 500 tonnes qui ont été engagés dans la guerre 11 d’entre eux ont été coulés en opération et cela, durant tout le conflit. En 1946, le Curie, le Morse II et la Doris sont rendus à la Royal Navy mais dans le même temps, la France récupère six U-Boote capturé. Le renouveau des submersibles français viendra avec l’arrivée des unités de la classe Aurore dont la production avait été stoppée en 1940 par l’avance Allemande.
5 Réponses à “LES SOUS-MARINS FRANÇAIS DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE”
26 novembre, 2018 à 11 h 51 min
Bonjour,
Je cherche en vain jusqu’ici le nombre total, même approximatif, des marins français morts ou disparus en 39/45 (Outre les 1297 morts en 1940 à Mers-El-Kebir, souvent cités). Sur votre site vous citez justement le nombre de sous-marins français détruits sans donner le nombre de morts ou disparus…
Merci de me renseigner ou de m’orienter.
Bien cordialement
Philippe de Ladebat
14 décembre, 2018 à 19 h 10 min
Bonjour Je vous suggère d’écrire à Genève pour des réponses exactes. Je l’ai fait pour mon grand-père prisonnier de Dieppe en 1942 sur le camp de prisonniers de guerre cela a prit du temps pour la réponse mais je l’ai reçut.
15 avril, 2019 à 18 h 15 min
Mon pere etait sous marinier et est parti de toulon pour dakar je crois. Il m avait dit que les 1nglais avaient bombarde les navires francais. Je ne sais pas ce qu est devenu son navire. Je recherche des renseignements sur cette periode.
15 avril, 2019 à 21 h 01 min
Bonjour
Je n’ai pas de réponse pour votre question. Vous pourriez vous informez au ministère de la guerre de France ou peut-être le ministère de la marine française. Je vous souhaite une bonne recherche. amicalement Jean Paul
23 septembre, 2020 à 10 h 35 min
bonjour je recherche des informations sur mon grand père mr le Hunsec Marcel 1er maître mécanicien a bord du sous marin le flamboyant coulé le 1er juin 1940
je ne retrouve aucune information a sont sujet
pouvez vous m’aidé
cdlt