30 décembre 2012, le Mémorial Charles de Gaulle, à Colombey-les-Deux-Églises, a présenté une exposition inédite qui retraçait l’histoire de la croix de Lorraine, de ses origines à la réalisation de l’édifice. Elle permet de comprendre comment ce symbole de ralliement à la France libre demeure aujourd’hui attaché au général de Gaulle dans la mémoire collective.
La construction de la croix de Lorraine
Haute de 44 mètres, habillée de granit rose et de bronze, la croix de Lorraine s’élève sur la colline de Colombey depuis 1972. Associée à la personne du général de Gaulle, la croix de Lorraine appartient en premier lieu à la mémoire de l’histoire de France, celle de la France libre et de la Résistance.
L’exposition présentée au Mémorial revient sur une histoire d’un symbole vieux de 2000 ans, qui trouve ses origines au Golgotha, à Jérusalem ou Jésus fut crucifié. C’est à l’issu de la sixième croisades au XIIIe siècle, que le seigneur angevin Jean d’Alluye reçoit de l’évêque Thomas de Crète, un morceau de la vraie Croix du Christ, sculpté en forme de croix à double traverse. Offerte à l’abbaye cistercienne de la Boissière en Anjou, cette croix fait l’objet d’un véritable culte. René II duc d’Anjou et de Lorraine, manifeste une grande dévotion pour la Sainte croix, il la donne pour emblème à son duché de Lorraine et à sa capitale, Nancy dès 1477.
Près de cinq siècles plus tard, lorsque le colonel de Gaulle pend le commandement du 507e régiment de chars de combat de Metz en 1937, il insère cette croix de Lorraine dans l’insigne qu’il crée pour son régiment, le lien entre l’homme et cette croix est désormais établi. En 1940, pour le chef de la France libre se pose vite la question d’identifier au mieux les moyens et les forces des Français libre enfin de les distinguer de ceux de Vichy. Ainsi le 1er juillet 1940, à Londres, sur proposition du vice-amiral Muselier et en présence du capitaine de corvette d’Argenlieu, la croix de Lorraine est adoptée comme emblème de la France libre. Quel nom plus évocateur pour une France résistante que celui de la Lorraine; terre de Jeanne d’Arc qui à temps lutté au cours de son histoire pour son indépendance! Ce signe si facile à tracer sur les murs ou à reproduire dans les journaux clandestins s’oppose à la croix gammée de l’occupant allemand. Le 16 novembres 1940, le général de Gaulle signe à Brazzaville, capitale de la France libre naissante, l’ordonnance no 7 qui crée l’Ordre de la Libération : l’insigne de l’Ordre est la croix de la Libération, composée d’un écu de bronze rectangulaire portant un glaive surchargé d’une croix de Lorraine et d’un ruban de couleur noir et vert, mêlant à la fois le deuil et l’espérance, reflet de l’état de la France en 1940.
Le choix de ce symbole est le bon : Il rassemble l’ensemble de la Résistance, aussi bien de l’intérieur que de l’extérieur, jusqu’à la Libération. La croix de Lorraine porte à Londres dans l’Empire et en France, la promesse de recouvrer une pleine et entière souveraineté nationalité Après la Seconde Guerre mondiale, devenue symbole du gaullisme politique, la croix de Lorraine continue de fédérer autour de De Gaulle celles et ceux qui soutiennent ses idées et sa politique. Elle ne le quitte plus. En 1947, les adhérents du Rassemblement du peuple français (RPF) se regroupent derrière l’insigne à croix de Lorraine rouge tréflée, cernée de blanc. La référence au 18 juin 1940 est alors un élément fondateur de la légitimité du RPF, ce dernier reprenant la thématique de la mobilisation des français pour un nouveau combat, tandis que l’omniprésence de la croix de Lorraine, face à l’adversaire communiste, établit la continuité entre la situation de 1940 et l’ère nouvelle qui s’ouvre en 1947.
Graffiti associant la lettre V à la croix de Lorraine
Quand il accède à la présidence de la République, Charles de Gaulle n’abandonne pas la croix de Lorraine : Placée au cœur d’un drapeau tricolore, qui pavoise la voiture présidentielle, elle est aussi présente sur le petit tampon qu’il s’est fait fabriquer en guise de signature pour son courrier officiel. L’idée d’une croix de Lorraine monumentale à Colombey-les-Deux-Églises a été avancée en 1954 par le général lui-même : alors qu’il reçoit, chez lui, le journaliste Jean Farran à l’occasion de la sortie du premier tome de ses Mémoires de guerre, le général évoque depuis le parc de la Boisserie la construction, après sa mort, d’une immense croix de Lorraine que l’on verra partout. En 1971, quelques mois après sa mort, un comité national du Mémorial du général de Gaulle réuni sous le haut-patronage du président de la République Georges Pompidou, organise la souscription nationale et internationale pour financer les travaux et lance le concours des architectes. La mission du comité est d’élever sur la colline une grande croix de Lorraine qui rappellera à jamais le souvenir de celui qui a redonné à la France son honneur et son indépendance.
Les contributions qui affluent, non seulement de la France mais du monde entier, témoignent d’un véritable engouement populaire pour ce monument édifié en l’honneur de l’Homme du 18 juin. Yvonne de Gaulle, la veuve du général, joue un rôle prépondérant dans l’organisation du projet. Gardienne du temple, omniprésente mais discrète, elle veille à la sobriété du projet retenu, décide de la date d’inauguration et de l’orientation de la croix de Lorraine.
Les travaux commencent en mars 1972 et vont être, jusqu’à l’inauguration le 18 juin, une perpétuelle course contre la montre. Plus de 300 personnes œuvrent sur le chantier pendant à peine quatre mois. Michel Mosser, un des deux architectes du projet lauréat témoigne du défi technique à relever : Lui-même résistant pendant la Seconde Guerre mondiale, est l’une des dernières mémoires vivantes de cette épopée lancée au service d’un idéal.
Commémoration du 70e anniversaire de l’appel du 18 juin, Hôtel national des Invalides
L’inauguration de la croix de Lorraine à lieu les 17 et 18 juin 1972. Trois temps forts marquent cet événement. Que madame de Gaulle souhaite patriotique. D’abord le 17 juin, à Paris, deux petits- enfants de Compagnons de la Libération prélèvent la flamme éternelle au pied de l’Arc de Triomphe; cette dernière arrive le soir à Colombey et alimente un foyer placé devant le monument aux morts. Puis une veillée du souvenir rassemble, autour des membres de la famille de Gaulle, les porte-drapeaux des anciens combattants ainsi qu’une foule d’anonymes. Et le lendemain, c’est le président de la République Georges Pompidou qui inaugure officiellement le monument, entouré de la famille de Gaulle, des habitants de Colombey, des compagnons de l’Ordre de la Libération et des architectes.