BIR HAKEIM LE GRAND TOURNANT DE LA FRANCE

À propos de Bir Hakeim les historiens militaires parlent parfois d’exploit ou de fait d’armes, Il faut en finir avec cette frilosité! Lorsqu’une brigade de 3 700 hommes tient en échec une armée de 35 000 soldats et l’empêche de poursuivre une offensive décisive pour l’issue d’une guerre, entraînant du même coup son échec final, cela s’appelle une victoire.

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Vue aérienne du fort de Bir Hakeim

Printemps 1942, la France libre existe depuis près de deux ans. Elle a connu des pages de gloires, elle a réalisé des prouesses, dont les moindres ne furent pas les ralliements de territoires de plus en plus vastes de l’Empire En Afrique noire essentiellement, elle a recruté à tous les niveaux des hommes de troupe aux chefs des unités des volontaires décidés à tout sacrifier pour la victoire finale, alors si éloignée, elle a livré des premiers combats en Libye, en Érythrée, sans parler des exploits de ses pilotes pendant la bataille d’Angleterre et de ses marins au cours des premières missions des FNFL.

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Le général Koenig et le colonel Masson, 1942

Mais elle a connu, en même temps, d’immenses déconvenues : De Gaulle n’a rallié ni les élites ni les masses, il a échoué devant Dakar il a livré en Syrie un combat fratricide contre l’armée du Levant, dont seulement un cinquième s’est rallié à lui, il n’a pas réussi à se faire reconnaître comme un allié à part entière par les Britanniques.

Les choses pourtant, ont commencé à changer dans les derniers mois de 1941. De Gaulle a constitué deux brigades indépendantes : La 1re et 2e BFL, commandé par le général de Lattre de Larminat lui-même, avec le général Koenig comme adjoint, et par le colonel Cazaud. L’ensemble étant coiffé par Larminat, jusqu’alors haut-commissaire pour L’Afrique française libre. De Gaulle les a mises à la disposition du général Auchinleck, commandant en chef britannique au Moyen-Orient, en précisant : Pourvu que ce soit pour combattre. Il sait en effet que des événements importants vont se dérouler en Libye, ou Rommel a débarqué en février 1941, à la tête de l’Afrika Korps. Bien sûr, ces deux brigades représentent peu de chose au sein de la VIIIe armée britannique, quelques milliers d’hommes tout au plus mais, Rommel ayant remporté quelques succès, c’est un appoint qu’on ne peut négliger. Les Britannique ont contraint L’Afrika Korps à abandonner Benghazi, en raison des difficultés d’approvisionnement et aussi du moins si l’on en croit Rommel, de la mollesse de l’allié italien.

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Les troupes françaises de Bir Hakeim arrivent sur les lignes britanniques

 Mais le flottement allemand ne dure pas. Dès la mi-janvier 1942, Rommel lance une contre-offensive qui contraint la VIIIe armée à retraiter à son tour, et réoccupe Benghazi le 29. Les Anglais se replient alors sur une ligne Gazala (au nord) Bir Hakeim (au sud). Pourquoi Bir Hakeim, ou personne n’est jamais allé, qui n’est qu’un ancien poste ottoman, puis italien, déserté depuis longtemps, et ou ne subsistent que les ruines d’un vieux fortin et ou la platitude du désert n’est troublée que par une minuscule éminence baptisée les mamelles. Tout simplement parce que c’est le point, signalé sur les cartes, susceptible de constituer le môle sud de la ligne de défense allié, tandis qu’au-delà c’est le grand désert. En outre, dans l’hypothèse d’une contre-offensive fondée sur l’utilisation des blindés, cette ligne pourrait constituer une plaque tournante, ou l’on pourrait stocker des approvisionnements en carburants et en munition.

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1er régiment d’artillerie coloniale, 1942

Dès son arrivée, le 15 février 1942, Koenig commence par organiser la position. Il divise le quadrilatère d’environ 16 km2 en trois secteurs confiés à trois unités : Le BM2 au nord, le 2e bataillon de fusiliers marins est chargé de la défense antiaérienne, les autres unités 3e BLE, 1er BMI, 1er régiment d’artillerie, 22e compagnie nord-africaine, train, génie, transmissions sont en réserve. En outre, l’organisation d’une position relativement peu accidentée  suppose d’importants travaux de terrassement destinés à la garantir contre d’éventuelles attaques aériennes. Tout doit être enterré : Armements, véhicules, stocks de carburants, approvisionnements, hommes. Par ailleurs la protection terrestre est assurée par un immense champs de mines en forme de V tout autour de la position, la pointe du V étant tournée vers le nord complété par un dispositif appelé marais de mines, destiné à dissuadé les véhicules et les fantassins ennemis de s’engager plus avant. L’ensemble a été conçu par l’Arminat  qui commande la brigade jusqu’au 20 avril, date où il est nommé commandant des forces françaises du Western Desert et ou Koenig devient officiellement commandant de la 1re BFL et par le capitaine André Gravier qui commande les 500 sapeurs-mineurs chargés de poser les mines.

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Le maréchal Rommel à la tête de l’Afrika Korps à Bir Hakeim en 1942

63 300 mines en tout, disséminées sur 3 600 hectares. En quelques semaines, Bir Hakeim devient une sorte de ville troglodyte peuplée de quelques 3 700 habitants, qui creusent le sol pour s’y enterrer et sont habités par la volonté de défier une armée allemande réputée invincible.

Ces hommes sont principalement des soldats de l’Empire, ces ultra-marins auxquels on a rendu hommage en 2011. Pour mettre en évidence l’insuffisance et surtout l’indignité des troupes qui allaient affronter la glorieuse Afrika Korps, le journal nazi Berkiner Illustrierte Zeitung aura cette formule Un sauvage mélange de races. À l’adjectif près, il ne se trompera pas. Jamais en effet, armé ne fut plus mélangée, plus panachée, que la 1re brigade légère française libre : Noirs de toutes les ethnies, Algériens, Marocains, Tunisiens, Tahitiens, Marquisiens, Calédoniens, Vietnamiens, Syriens, Libanais, Malgaches, Mauriciens, Égyptiens, Somaliens, constituent pour le moins une troupe ou les minorités visibles abondent, une étonnante synthèse de la France et de son Empire.

Un drame en cinq actes

Bir Hakeim m’est toujours apparu comme un drame, ponctué d’épisodes brefs et d’actions imprévisibles, illustrant cette évidence : Dans une campagne, dans une bataille, tout peut arriver à chaque instant. Durant le siège, il ne se passera pas de jour sans que Koenig se pose cette question lancinante : Que nous réserve l’ennemi. À quoi semble répondre un ancien, l’artilleur Roger Nordmann : Toute les minutes je me disais c’est la dernière.

Premier acte, le rideau se lève au matin du 27 mai, après un intense remue-ménage en coulisse, bruits lointains de moteurs et de canonnades vers le nord, passages d’avions. Une colonne s’avance vers le secteur tenu par le bataillon du Pacifique, c’est l’avant-garde blindée de la division italienne Ariete. Une première vague de 50 chars ouvre le feu; la réplique des Français est instantanée. Bilan les Italiens battent en retraite en abandonnant une trentaine de chars et une centaine de prisonniers, dont un colonel qui confiera à Koenig qu’il avait reçu la mission d’écraser les Français en un quart d’heure.

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Bataillon d’infanterie marine en action à Bir Hakeim en 1942

Deuxième acte, Il s’ouvre sur une attaque d’envergure des Italiens dans le champ de mines, ou Koenig envoie plusieurs détachements de reconnaissance. Elle est repoussée, mais au soir du 28 mai Koenig confie : Nous n’avons eu affaire qu’aux Italiens. À mes yeux, la preuve n’est pas encore faite de la valeur de la Brigade. Elle commence à être faite lors du mouvement du bataillon du Pacifique sur la position de Rotonda Signali, à l’ouest de Bir Hakeim. Mais ce deuxième acte s’achève sur une incertitude, on ne sait pas ce qui se passe, au juste au nord de Bir Hakeim.

Des mouvements importants laissent penser que l’ennemi opère un retour de force.

Le troisième acte, est le plus long, il s’étend sur six jours, du 2 au 7 juin. La position se trouve totalement encerclée, pilonnée par l’artillerie ennemie, appuyée par l’intervention de la Luftwaffe. Rommel se sent suffisamment sût de lui pour adresser, non à leur chefs mais aux troupes de Bir Hakeim, un ultimatum les invitant à se rendre pour éviter toute effusion de sang inutile. Le refus de Koenig entraîne, comme on pouvait s’y attendre, une recrudescence des bombardements terrestres et aériens, mais le moral est bon, surtout à la suite des propos tenus par le général Ritchie, commandant la VIIIe armée britannique, qui déclare à la BBC le même jour que la défense de Bir Hakeim par les Français libres est un exemple pour tous. Le monde extérieur commence à regarder vers Bir Hakeim. Il faut que Rommel et ses troupes s’épuisent devant Bir Hakeim pour que les troupes alliées se ressaisissent après le désastre subit au nord, dans la région dite le Chaudron. Au matin du 7 juin, Koenig reçoit un télégramme du général Auchinleck, cette fois : Tous les efforts sont maintenant nécessaires. Soyez opiniâtres et agressifs afin de transformer la bataille actuelle en une victoire.

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La sortie de Bir Hakeim

Le même jour le commandant en chef allemand en Méditerranée, Kesselring, ordonne à Rommel d’attaquer ce sale trou avec toutes les troupes terrestres disponibles, il exige une offensive de grand style. Le rideau se baisse sur un troisième acte ou rien de décisif n’est encore joué.

Le quatrième acte, commence par la journée la plus longue du siège. On est au treizième jours de la bataille, alors qu’on aurait dû tenir, au grand maximum, sept jours, Les troupes se sont jusque-là bien comportées et le moral reste élevé, mais la fatigue et la tension nerveuse commence à se faire sentir. La chaleur est de plus en plus accablante et la ration quotidienne d’eau ne suffit plus. Depuis le début du siège on n’a pas cessé de vivre dans l’illusion que la VIIIe armée finirait par prendre l’avantage au nord, d’où le fracas des combats parvient jusqu’à Bir Hakeim, on en est soudain moins sûr.

La journée du 8 juin est très dure peut-être la plus dure et la plus longue du siège, avec trente-quatre tués et soixante-quatre blessés pris en charge par le groupe sanitaire divisionnaire, La position est profondément bouleversée, parsemée de trous, de cratères, de carcasses noircies et fumantes. On manque d’obus, on manque d’eau. Bir Hakeim tient toujours. Dans la journée du 9 juin, les combats semblent s’étendre à l’ensemble des secteurs. La RAF sollicitée, intervient rapidement, mais ne peut imposer qu’un simple répit. Pris à partie par les bren-carriers de la Légion et du Bim, l’ennemi perd plusieurs chars et amorce un repli. Au nord les Allemands s’efforcent de percer, mais ils se heurtent à une vive riposte des légionnaires, des fusiliers marins et de la compagnie nord-africaine.

Dans ce secteur, le succès est acquis, mais le prix en est élevé en tués et en blessés, en pièces d’artillerie hors de combat. Au milieu de l’après-midi, Koenig a reçu de la 7e division britannique un message confidentiel, qui ne l’a pas surpris, mais qui crée une situation nouvelle : La position de Bir Hakeim n’est plus considérée comme essentiel. Dans ces conditions une évacuation peut-elle être envisagée. Si cette évacuation n’est pas souhaitée, la brigade pourrait rester sur place en recevant les ravitaillements indispensables par air. Koenig choisit la sortie, qui permettra à la brigade d’échapper à l’enfer ou elle est plongée depuis deux semaines.

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Le fanion du bataillon des fusiliers marins après les combats de Bir Hakeim est présenté au général de Gaulle

Il en informe les commandants d’unités et procède avec eux aux préparatifs. Ce jour-là, dans les grandes capitales alliées, l’écho de la résistance des Français libres de Bir Hakeim commence à prendre de l’ampleur : Défense héroïque des Français! Et même : Les Allemands battus devant Bir Hakeim, Tels sont les titres de la presse internationale. Pour le monde entier, écrira de Gaulle dans ses Mémoires de guerre, le canon de Bir Hakeim annonce le début du redressement de la France. Au matin du 19 juin, l’ensemble de la position est prise sous le feu de l’artillerie ennemie; les obus tombent un peu partout, donnant l’impression de tester les réactions des assiégés plutôt que de viser des cibles précises. En début d’après-midi, trois vagues de 130 avions surgissent au nord, en une armada constituant la plus forte concentration aérienne lancée contre Bir Hakeim depuis le début du siège. Les dégâts matériel sont importants camions détruits, transmission une fois de plus coupées; en revanche, les pertes en vie humaines sont quasi nulles.

Ce bombardement s’accompagne d’un déchaînement de l’artillerie ennemie, en particulier dans le secteur nord-ouest, dangereusement menacé par une avancée de chars et d’automitrailleuses. Vers 18 heures, on transmet à Koenig un télégramme du général de Gaulle : Général Koenig, sachez et dites à vos troupes que toute la France vous regarde et que vous êtes son orgueil. Il est 19 h il faut tenir encore deux heures, les deux dernières du siège, sans doute les plus cruciales de toutes. La Luftwaffe lance une nouvelle attaque au cours de laquelle 120 à 130 avions déversent sur Bir Hakeim plusieurs tonnes de bombes.

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Cimetière de Bir Hakeim

Les défenseurs  se sentent une fois encore, écrasés sous ce déluge. À nouveau, l’artillerie ennemie se déchaîne sur le nord, entraînant une vive réplique de trois batteries françaises.

Le cinquième acte se joue dans la nuit du 10 au 11 juin, sur cette nuit fantastique, selon le mot de Pierre Messmer. C’est la nuit de tous les exploits à commencer par celui de Susan Travers, qui conduit la voiture de Koenig hors de la position de tous les drames, de tous les actes héroïques et glorieux, qui permettront à de Gaulle de déclarer au soir du 11 juin, à la BBC : La nation a tressailli de fierté en apprenant ce qu’on fait ses soldats à Bir Hakeim.

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Soldats de la 1ère brigade française libre rescapés à Bir Hakeim

Braves et purs enfant de France qui viennent d’écrire, avec leur sang, une de ses plus belles pages de gloire! Brillante irruption de la France libre dans la guerre mondiale, Bir Hakeim était en train de tout changer, cette page de gloire ne se contente pas de faire tressaillir les français, elle retient l’attention des peuples alliés et elle inquiète l’ennemi de la France. C’est fini le drame est joué. Place maintenant à l’écho qu’il va produire dans l’Histoire.

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