L’action déterminée du général de Lattre de Tassigny en Indochine aura permis un sursaut militaire face au Vietminh durant l’année 1951. Un épisode glorieux qui ne suffira cependant pas à renverser le cours de la guerre lointaine qui intéresse peu la métropole.
Le général de Lattre à Vinh Yen au Tonkin avril 1951
Déclenchée fin 1946 après le départ des Japonais la guerre d’Indochine change de nature avec l’arrivée au pouvoir des communistes en Chine. Grâce à leur soutien, l’armée du Vietminh est équipée d’armement moderne et ses hommes bénéficient d’un entraînement sophistiqué. La France est donc confrontée à un ennemi aussi puissant que déterminé. Soucieux de recouvrer la souveraineté française en Indochine, le général de Gaulle a nommé le 16 août 1945, l’amiral Thierry d’Argenlieu, haut-commissaire de France et commandant en chef pour l’Indochine. Il a sous ses ordres le général Leclerc, chargé de superviser l’action du corps expéditionnaire français. Mais celui-ci ne croient pas à une solution militaire et penche pour une négociation avec le Vietminh. Il sera désavoué par l’amiral d’Argenlieu qui choisit la voie de l’affrontement auquel se préparent les troupes vietminh du général Giap.
Sur le terrain, la situation va empirer et en septembre 1950, le Nord Tonkin devient indéfendable. Lorsque la bataille de Cao Bang éclate, la France semble découvrir cette guerre qui se déroule à 13 000 km de distance. C’est dans ce contexte que le général de Lattre arrive en Indochine.
Il obtient tous les pouvoirs, politiques et militaires. En décembre 1950, à Hanoï, il s’adresse ainsi aux officiers : L’ère des flottements est résolue. Désormais ne cèderons plus un pouce de terrain. Fin janvier 1941, le Vietminh attaque près d’Hanoï. Après de durs combats, c’est la victoire de Vin Yen. La confiance revient. De Lattre impose ses vues : Des groupes mobiles aux interventions rapides, des partisans composés de minorités ethniques, des fortifications dans le delta tonkinois, des forces maritimes et aériennes renforcées mais aussi des antennes chirurgicales sur les théâtres d’opérations. Mais face à l’armée de Giap, les effectifs des forces de l’Union française restent insuffisants. Le corps expéditionnaire comprend environ 140 000 hommes, métropolitains, légionnaires, soldats d’Afrique indochinois. Le Jaunissement du corps expéditionnaire et le développement de l’Armée nationale vietnamienne sont une priorité pour de Lattre. L’Armée de Bao Dai, chef de l’État du Viêtnam, voit ses effectifs doublé pour atteindre 130 000 hommes fin 1951. En juillet à Saïgon, il s’adresse aux lycéens : Il faut choisir. C’est la guerre, Soyez des hommes, c’est-à-dire : Si vous êtes des communistes, rejoignez le Vietminh; il y a la bas des individus qui se battent bien pour une cause mauvaise, Mais si vous êtes des patriotes, combattez pour votre patrie, car cette guerre est la vôtre. Mais les défaits politiques sont aussi extérieurs. En septembre, le général de Lattre se rend aux États-Unis et rappelle les objectifs de l’aide militaire de la France aux nouveaux États indochinois : assurer leur sécurité face à l’offensive communiste, tout en aidant à leur propre développement. Ce voyage est un succès. La contribution des États-Unis à l’effort de guerre en Indochine représente plus de 30% fin 1951. S’ensuivent des victoires éclatantes. À Nghia Lo, le général Salan écarte la menace du Vietminh sur le pays Thaï, par une manœuvre qui force Giap à se replier dans le Haut Tonkin et en Chine.
En novembre c’est la libération du pays Muong et la prise D’Hoa Ninh. Cependant le général de Lattre, gravement malade et très affecté par la mort au combat de son fils unique doit quitter l’Indochine. À Noël, il adresse à ses soldats : C’est à vous d’abord, mes soldats que j’envoie mes souhaits pleins d’affection, et l’expression de ma gratitude, de mon admiration et de ma confiance. Par votre héroïsme quotidien, vous avez fait de 1951 la grande année du redressement. Jean de Lattre de Tassigny est resté moins d’un an en Indochine. Il a donné tout son sens à sa devise Ne pas subir, en affirmant que la France ne cherchait pas à restaurer sa souveraineté, mais combattait pour protéger le Viêtnam, le Laos et le Cambodge. Le 11 janvier 1952, le général meurt à paris, à l’âge de 62 ans. Des funérailles nationales sont organisées et il est élevé, à titre posthume, à la dignité de maréchal de France. Si la mort n’avait pas interrompu son action, l’issue de la guerre aurait-elle été différente. On peut en douter. L’aide de la Chine renforçait un Vietminh déterminé à prendre le pouvoir à n’importe quel prix. Il n’en demeure pas moins que le général de Lattre a montré, en Indochine, une stature exceptionnelle de grand chef militaire.