Après huit ans de combats, l’année 1972 marque un tournant paradoxal de la guerre du Viêtnam. Alors que la paix prônée par Richard Nixon est proche, les bombardements américains seront les plus intensifs de l’histoire de ce conflit.
Soldats gardant un prisonnier nord-vietnamien 1972
Sous la pression de la société civile américaine, Richard Nixon annonce en janvier 1972, une nouvelle réduction des effectifs américains qui passent à 69 000 hommes au 1er mai, alors que 550 000 soldats étaient présents sur le sol vietnamien en 1969. Cette politique de vietnamisation du conflit de Richard Nixon, qui succède à L. B. Johnson, début 1969, vise un retrait total des forces terrestres après le renforcement des armées sud-vietnamiennes. En revanche, les forces navales et aériennes augmentent considérablement. Parallèlement, on assiste à un durcissement du conflit avec l’invasion du Cambodge en 1970, puis du Laos en 1971, et ce malgré l’abrogation, en 1971, de la résolution du golfe du Tonkin. Cette dernière avait été votée par le Congrès en 1964 et donnait au président toute liberté d’user de la force armée contre les agressions communistes.
Cette escalade de violence atteint son apogée avec l’offensive de Pâques le 30 mars 1972, durant laquelle le général Vo Nguyen Giap lance une attaque sur le Sud-Viêt Nam qui est arrêtée à An Loc en avril par l’armée de la République du Viêt Nam et l’aviation américaine. Les États-Unis réagissent avec le lancement de l’opération Pocket Money dès le 20 avril, qui consiste à miner le port de Haiphong, porte d’arrivée des cargos soviétiques et chinois. Cette action s’accompagne en août 1972 d’une campagne de bombardements massifs, les plus violents de toute la guerre, qui visent tout le territoire. L’opération Line Backer, ayant principalement pour cible Hanoi et Haiphong, atteint son paroxysme avec 7 037 missions d’attaques de chasseurs-bombardiers et 2 307 de B-52. Les sorties des chasseurs-bombardiers contre les objectifs situés au Nord-Viet Nam passent de 400 en mars et 10 526 en avril 1972.
L’offensive du Nord-Viet Nam contrariait les intérêts stratégiques et les espoirs du président Nixon de décapiter le Nord grâce à sa diplomatie vis-à-vis du monde communiste. En effet, quelques semaines après, il était prévu qu’il se rende en URSS pour rencontrer les dirigeants soviétiques. Il reprochait notamment aux Russes et aux Chinois leur incapacité à faire pression sur la République démocratique du Viêt Nam. Selon l’historien John Prados, si Nixon avait mieux compris le Viêt Nam, il aurait pu s’apercevoir que l’influence des nations communistes sur le Nord ne valait pas mieux que la sienne à Saigon.
Or, cet affrontement semblait inévitable et il redoutait qu’une attitude de faiblesse puisse non seulement compromettre ses desseins envers les grandes puissances communistes, mais également sa réélection en novembre, d’où la réplique de son conseiller Henry Kissinger qui parla d’infliger au Nord-Viet Nam une raclée de tous les diables. Les batailles qui se déroulent durant l’offensive de Pâques ont révélé les limites des capacités des deux camps, mais aussi de la vietnamisation. En effet, Nixon et le général Nguyen Van Thieu, président de la République du Viêt Nam, on bâti une machine militaire sud-vietnamienne d’un million d’hommes qui est incapable de gagner la guerre. La deuxième vague de bombardements appelée bombardement de Noël, débute le 18 décembre 1972 avec 129 sorties de B-52, escortés par de nombreux chasseurs-bombardiers au-dessus d’Hanoï. À la fin de l’année 1972, on compte 44 494 missions de chasseurs-bombardiers et 16 413 de B-52 qui larguèrent environ 240 000 tonnes de bombes. L’efficacité des bombardements s’est accrue avec l’emploi de nouvelles armes telles que la bombe à guidage laser, employée pour la première fois en situation de guerre au-dessus du Viêt Nam en 1972.
Or, aux États-Unis, les manifestations contre la guerre se multiplient et Nixon décide d’ouvrit la voie à un accord en acceptant le rapatriement totale des troupes américaines en cas de cessez-le-feu et en renonçant à exiger l’évacuation du Sud par les forces populaires. L’accord prévoit le retrait des forces américaines dans un délai de 60 jours. Malgré le refus du sudiste Nguyen Van Thieu de voir les forces communistes rester sur son territoire et une suspension des pourparlers par Hanoï, un accord de cessez-le-feu est finalement trouvé. Les accords de Paris, signés le 27 janvier 1973, mettent fin temporairement aux hostilités. Cependant, le conflit n’est pas définitivement terminé puisque l’armée sud-vietnamienne et les communistes du Nord poursuivent les affrontements jusqu’à la défaite du Sud en 1975.