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LE RÔLE DE LA PROPAGANDE EN FRANCE ENTRE 1940 ET 1944

Le IIIe Reich, comme tous les états totalitaires du XXe siècle, a largement fondé son pouvoir sur un emploi intensif de la propagande. Dans tous les médias, cinéma, radio, presse écrite avec l’appui du ministre de la propagande, Joseph Goebbels, les professionnels sont mobilisés pour servir sur le front et dans les territoires occupés. Ils y sont les agents particulièrement efficaces de la propagande nazie.

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Joseph Goebbels ministre de la propagande, reçoit les membres de la compagnie de la de propagande de la  Luftwaffe à Berlin, le 23 octobre 1939

En mai 1940, alors que l’armée allemande s’apprête à envahir la France, les reporters des compagnies de propagandes allemandes (Propagandakompanien, abrégé PK), ne se doutent pas que les succès militaires de l’année 1939 vont se répéter en 1940 avec la campagne de l’Ouest. Cette victoire militaire et politique sera en partie due à leur efficacité. À la différence de la Première Guerre mondiale, durant laquelle la propagande allemande est restée inefficace face aux services de propagande alliés, les dirigeants du IIIe Reich souhaitent réagir en créant, des 1938, un organe de propagande inédit, doté de reporters professionnels qui reçoivent également une formation militaire. En 1943, à leur apogée, les PK, comptent 15 000 hommes, répartis entre cameraman, photographies, reporters radio, journalistes de la presse écrite, peintre ou encore dessinateurs. Ces reporters et techniciens, encadrés par des militaires de carrière, sont en fait d’avantage des professionnels qui ont revêtu un uniforme. Cet ensemble évoluant de concert fait de la propagande allemande une arme psychologique redoutable, véritable machine de guerre qui agira en France d’octobre 1939 à août 1944.

Avant même la fin de la campagne de Pologne, des compagnies de propagande de l’armée de terre allemande rejoignent les unités combattantes le long de la ligne Siegfried (Wessall) ou les reporters commencent à sonder et à influencer le moral du poilu. Les camions haut-parleurs des PK, permettent de tester de nombreuses tactiques et techniques. Parmi celle-ci, les programmes musicaux sont particulièrement appréciés. Entre deux morceaux, une voie féminine vient charmer, telle une sirène, les soldats français. De même, le témoignage d’un déserteur peut semer le doute dans le camp adverse. Utilisée la nuit, ces méthodes sont des plus efficaces mais elles sont toutefois fort coûteuses. En effet, la pose de matériel à proximité de l’ennemi est périlleuse. En plus d’inciter à la désertion, les compagnies de haut-parleurs cherchent à entrer en contact avec les Français et à les faire réagir en diffusant des discours notamment ceux d’Adolf Hitler.

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Reporters de la 4e compagnie de propagande de la Luftwaffe près de Maubeuge, le 22 mai 1940

Ceux-ci sont retransmis par haut-parleurs, puis imprimés et envoyés par ballons au-dessus des lignes françaises dans le but de sensibiliser le soldat mais aussi le civil. En effet, en fonction des conditions météorologiques, le message touche non seulement les soldats, mais aussi la population. Le 6 octobre 1940, les membres de la PK.670 expérimentent l’envoi par ballon de 500 tracts avec un discours d’Hitler qui suscite des réactions dans les rangs des soldats français. Régulièrement durant la drôle de guerre, les PK observent les soldats français sur la ligne Maginot échanger des propos avec les soldats allemands, ces derniers leur proposant même de leur faire écouter des chansons françaises comme celles de Tino Rossi.

Dans le secteur de Perl (Moselle), à proximité de la frontière, des membres de la PK. 666 expérimentent d’autres moyens : Des écriteaux mentionnant de courtes phrases percutantes et affichés à proximité des lignes françaises, L’une d’entre eux provoque ainsi la rencontre entre trois gendarmes français et des reporters allemands, qui évoquent des souvenirs de la Grande Guerre, plaisantant, avouant mutuellement ne pas souhaiter une guerre franco-allemande. Le photographe allemand Koch de la PK.666 mitraille cette rencontre. Après la promesse des reporters de la PK de ne pas publier ces photographies, chacun regagnent ses lignes. Le but de la mission est atteint.

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L’émetteur radio de la Wehrmacht installé à Belgrade en avril-mai 1941

Chaque capitale qui tombe aux mains de l’ennemi devient une nouvelle tribune pour les PK. Varsovie, Paris ou Prague bénéficiant d’une puissante antenne radio, la guerre des ondes contre les services de propagande alliés est déclarée. Alors que le Soldatensender Belgad est renommé pour avoir fait connaître Lili Marleen jusqu’en Afrique, les messages de l’émetteur de la tour Eiffel ne parviennent pas à capter l’attention des Parisiens. Ces derniers retiennent d’avantage le slogan de la contre-propagande alliée à destination de la France qui chante Radio paris ment, Radio Paris ment, Radio Paris est Allemand. Entre 1939 et 1945, le haut commandement de l’armée allemande (Oberkommando der Wehrmacht), (OKW) précise aux reporters des PK, leurs consignes de travail qui évoluent en fonctions des résultats, Ces instructions peuvent prendre la forme d’une commande de reportages photographiques, comme celle du 5 novembre 1939 adressés à l’ensemble des PK de l’armée de terre. L’OKW cherche à exploiter des photographies de troupes allemandes investissant un village français évacué ou des soldats sur le front lors d’un moment de liberté, ou encore au retour d’une mission de reconnaissance. Le but recherché est de souligner la domination allemande dans un secteur, tout en montrant les conditions de vie du soldat allemand. Grâce aux agences photographiques comme Scherl ou Atlantic ou encore celle d’Heinrich Hoffmann, les images des PK sont publiées dans la presse allemande et dans la presse destinée à la France occupée comme Signal ou Parise Zeitung.

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Un camion haut-parleur de la PK,637 diffuse un discours aux Parisiens, place de l’Hôtel de ville à Paris le 22 juin 1940

La propagande ne faillit pas après l’armistice entre la France et l’Allemagne, au contraire, il s’agit de renforcer les bases de plans élaborés au début de l’année 1940. L’unité de propagande baptisée Propagastaffel Frankkreich, basé à Paris et dotée d’antennes dans toute la France et en Belgique, diffusera la propagande nazie auprès de la population francophone jusqu’en août 1944. Très tôt, les commandants des PK proposent d’étendre l’influence de la propagande sur la population des futurs pays occupés. Toutefois, les moyens mis à disposition sont trop faibles pour espérer être efficaces. Raison pour laquelle le ministre de la propagande allemande est favorable à l’envoi de personnels et de moyens civils ainsi qu’au recrutement sur place. Au sein des rédactions, le personnel est sélectionné et le contenu des sujets comme l’enrôlement des unités françaises dans la Wehrmacht ou la politique de collaboration française sont mis en valeur à travers des reportages photographiques.

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Sur la vitrine du quotidien, Le Matin, les Parisiens regardent les image de la bataille de Normandie prises par les photogrphes allemands, le 16-18 juillet 1944

Les actualités hebdomadaires sonores (UFA Tonwoche), qui bénéficiaient déjà d’une version française avant 1939, proposent une approche spécifique à la France. Par exemple, la capture d’un soldat français par une patrouille allemande durant la drôle de guerre est développée pour les spectateurs allemands, mais présentée dans une version écourtée dans la version française comme pour ménager le public français. Depuis les bureaux parisiens,  les membres de la propagandastaffel Frankreich reçoivent régulièrement des notes de l’OKW sur la façon d’évoquer la France. L’admiration des reporters pour ce pays dérange le ministère de la propagande qui rappelle que la France reste l’ennemi de l’Allemagne et doit, de ce fait être traitée comme tel.

À partir de 1942, les défaites de l’armée allemande qui s’accumulent ne sont pas favorables à la propagande du troisième Reich qui doit redoubler d’efforts pour convaincre alors que les effectifs des PK chute inexorablement pour combler les pertes de l’armée. En France, les PK profitent du clivage entre les Français de Vichy et ceux de Londres. En outre, ils exploitent le ressentiment des populations qui qui ont subi les bombardements alliés depuis septembre 1940, bombardement qui s’intensifient à l’approche du débarquement en Normandie. Du 6 juin à la fin août 1944, face à la domination des forces alliées, les PK ne peuvent opposer qu’une faible contre-propagande, telles ces images qui exhibent, en août, des prisonniers alliés dans Paris. Le traitement que la population réserve aux prisonniers vise à renforcer le sentiment anti-allié qui règne en France.

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Un soldat allemand et un membre de la défense passive participent à un exercice d’évacuation à Cambrai en décembre 1943

Pourtant en analysant cette séquence filmée, ces Français qui maltraitent les prisonniers semblent plutôt être en réalité des Allemands. La dernière action de la propagande allemande en France se joue dans les actualités filmées allemandes, qui présentent le général de Gaulle dans les rues de Paris, pris sous le feu des derniers soldats allemands le 25 août 1944. Ces images tournées par le Signal Corps américain à la fin du mois d’août 1944 sont récupérées à Berlin qui les agrémente d’un commentaire pourfendant la libération de Paris, présentée comme source d’anarchie. Cette séquence est diffusée en octobre 1944, mais quel est le public français qui assiste encore aux actualités allemandes à cette date.

Si la propagande allemande a fait preuve d’une impressionnante ingéniosité depuis le début du conflit jusqu’en avril 1945, elle n’a toutefois pas pu infléchir le sort de la guerre ni minimiser l’impact des défaites militaires de l’armée allemande.

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