Entre janvier et juin 1919, la conférence de la paix, qui réunit les Alliés à Paris, effectue un travail considérable. Après d’âpres discussions et maintes affrontements, les divergences sont surmontées pour aboutir à une réorganisation presque totale en Europe. Le traité de Versailles, signé le 28 juin, en est la clé de voûte; quatre autres suivront. L’œuvre des négociateurs fut longtemps décriée, tenue pour responsable de la guerre qui allait à nouveau déchirer l’Europe vingt ans plus tard.
Conférence de la paix, 18 janvier 1919, ministère des Affaires étrangères à Paris, dessin paru dans la presse
Le traité de Versailles mettant fin à la Grande Guerre entre l’Allemagne et la coalition des vainqueurs, au nombre de vingt-sept, fut signé dans la galerie des Glaces du château de Versailles le 28 juin 1919, cinq années jour pour jour après l’attentat de Sarajevo. Parmi eux, certains n’avaient pris qu’une part faible, voir nul à la guerre. En revanche, la Russie, qui avait joué un rôle considérable jusqu’en 1917, n’était pas là. La guerre pour l’essentiel, s’était achevée avec l’armistice du 11 novembre 1918, soit plus de sept mois plus tôt. À titre de comparaison, la paix de Francfort, à l’issue de la guerre de 1870 entre la France et l’Allemagne avait été signée le 10 mai 1871, moins de quatre mois après la capitulation de Paris le 21 janvier.
Remise au plénipotentiaires allemands des conditions de paix des Alliés, Le petit Journal du 25 mai 1919
Mais il s’agissait d’un événement de bien moindre importance. De plus, la demande d’armistice par le gouvernement allemand, dans la nuit du 3 au 4 octobre 1918, avait été une surprise et les conditions d’un traité de paix n’étaient guère préparées. Il avait fallu aussi attendre l’arrivée du président des États-Unis Woodrow Wilson qui avait décidé de participer personnellement aux négociations. D’ailleurs, même si le délai entre l’armistice et le traité de paix parut long aux contemporains, on pourrait au contraire s’étonner du temps relativement bref consacré à établir un traité aux aspects et aux conséquences immenses. Les négociations n’eurent pas lieu à Versailles, mais à Paris ou la conférence de la paix s’ouvrit le 18 janvier 1919. Ce n’était pas la première fois qu’une conférence internationale de ce type avait lieu. Un peu plus d’un siècle plus tôt, le congrès de Vienne avait mis fin au cycle des guerres de la Révolution et de l’Empire, mais c’est la première fois que les vaincus n’y étaient pas admis.
La haine qui s’était instituée entre le belligérants l’aurait rendu difficile. Que Clemenceau ait fait installer à proximité de la délégation allemande au moment de la signature du traité un groupe de gueules cassées en montre l’intensité, du moins pour la France. Mais il y avait une autre : sur bien des questions, les vainqueurs n’étaient pas d’accord entre eux et si des plénipotentiaires allemands avaient été présents, ils auraient pu jouer sur ces antagonismes. La Russie bolchevique, qui ne faisait pas partie ni des États vainqueurs, ni des États vaincus, n’avait pas été invités à participer à la conférence, alors que la question russe ne cessa d’être présente dans les négociations.
Orlando, Lloyd George, Clemenceau et Wilson (de gauche à droite) lors de la signature du traité de Versailles
En raison du nombre de participants les chefs de chaque délégation étaient accompagnés de collaborateurs, d’experts, de secrétaires, de traducteurs, la conférence aurait pu être une véritable foire on l’a dit d’ailleurs, d’autant que des délégations représentant les groupes les plus divers cherchaient à se faire entendre. Il n’en fut rien malgré les apparences : 52 commissions furent chargées d’éclairer la conférence. Il n’était pourtant pas possible que chaque État vainqeur puisse participer directement aux discussions. Il fut d’abord créé un Conseil des dix composé de deux représentants la France, du Royaume-Unis, de l’Italie, des États-Unis et du Japon, mais c’était encore un organisme trop lourd. Le 24 mars, il fut remplacé par le Conseil français et italien, du Premier ministre britannique et du président des États-Unis. Il a été dit, en particulier par celui qui allait devenir un des grands économiste de cette époque, et alors membre de la délégation britannique, John Keynes que la conférence se résuma en un duel entre Clemenceau et Wilson, Wilson (Don Quichotte aveugle et sourd), Clemenceau (beaucoup plus intelligent, mais cynique), le Bismarck français. S’il est exact que le président du Conseil italien Vittorio Orlando, joua un rôle modeste, ce n’est pas vrai de Lloyd George. la position du Premier ministre britannique fut certes évolutive, très dur au début pour devenir conciliante, car il craignait qu’un excès de rigueur ne jette l’Allemagne dans les bras de la Russie soviétique, mais son influence fut considérable. Quant à l’opposition entre Clemenceau et Wilson, si elle était réelle à l’origine, sans d’ailleurs prendre les formes dites par Keynes, elle ne cessa de s’atténuer. Quant le traité fut signé et que Wilson repartit pour les États-Unis, Clemenceau eut le sentiment de quitter un véritable ami.
Clemenceau, Wilson et Lloyd George après la signature du traité de Versailles
Avant la signature du traité, la conférence de la paix connut deux périodes d’inégale longueur, il était nécessaire d’obtenir la signature du gouvernement allemand, même si l’Allemagne n’avait pas été conviée aux discussions. Le texte du traité lui fut communiqué le 7 mai. Il disposa alors de quinze jours pour formuler ses observations par écrit dans la pratique ce fut un peu plus. À leur tour, les vainqueurs répondirent aux observateurs allemandes pour d’ailleurs les rejeter à peu près toutes, le 16 juin, accordant alors cinq jours, puis sept au gouvernement allemand pour accepter ou non de signer. En cas de refus, le maréchal Foch devait commencer la marche en avant le 23 juin à 19 heures. Dans la nuit du 22 au 23, après que le président du Conseil, le socialiste Scheidemann, eut démissionné et eut été remplacé par un autre socialiste, Gustav Bauer le gouvernement allemand se résigna. En principe, l’établissement de la paix devait se faire sur la base des Quatorze points présentés par le président Wilson devant le Congrès américain le 8 janvier 1918. Dans la pratique les choses furent assez différentes : certes le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes fut proclamé, ce qui conduisit principalement à la disparition de l’Empire austo-hongrois, certes l’idée majeure de Wilson de la création d’une ligue des nations fut réalisée. Clemenceau n’y croyait guère. Il préférait de solides garanties contre une éventuelle agression allemande, mais il ne s’opposa pas à l’idée wilsonienne.
Une du Petit Journal Parisien, 29 juin 1919
Pour le reste, des dispositions essentielles firent ressembler le traité à un texte de vengeance, ce qu’avaient voulu éviter les Quatorze points. Ce fut le fait de l’article 231 qui obligeait l’Allemagne à reconnaître qu’elle était responsable de la guerre et donc de toutes les destructions et dépenses qu’elle avait provoquées. En conséquence, l’Allemagne n’était pas condamnée à payer une indemnité de guerre comme d’habitude, mais des réparations qui, dans ces conditions, ne pouvaient manquer d’atteindre des sommes faramineuses. De la conférence de la paix ne sortit pas seulement le traité signé à Versailles, mais les traités imposés aux autres États ennemis, l’Autriche, la Bulgarie, la Hongrie, la Turquie, appelés globalement traité de la banlieue parisienne puisque signés respectivement à Saint-Germain-en-Laye (10 septembre 1919), à Neuilly-sur-Seine (27 novembre 1919), au Trianon (4 juin 1920), et à Sèvres (10 août 1920). Pour ce dernier, la situation intérieure de la Turquie le rendait inapplicable avant même qu’il soit signé et fut remplacé par le traité de Lausanne (24 juillet 1923).
Foule en liesse dans les rues de Paris le 28 juin 1919, jour de la signature du traité
L’œuvre accomplie de Versailles, en si peu de mois était considérable et pourtant elle a mauvaise réputation. On l’accuse d’être responsable de la Seconde Guerre mondiale. Une première question s’impose : Était-il possible de faire autrement. On peut imaginer que sur tel ou tel point, d’autres solutions auraient pu être trouvées et que le droit des nations à disposer d’elles-mêmes aurait pu être appliqué avec moins de partialité, alors qu’en cas de litige, il fut toujours donné raison aux amis des Alliés. Mais l’essentiel, c’était évidemment la question allemande. Il y avait deux possibilités, une paix de vengeance. Or la paix de conciliation était psychologiquement impossible, même s’il est évident, avec le recul des temps, qu’elle seule aurait pu permettre la stabilité internationale : Dans la grande majorité, l’opinion française trouva le traité de paix trop doux avec l’Allemagne. Mais les conséquences d’une paix de vengeance furent redoutables. Elle aurait pu être conçue autrement, en particulier par le démantèlement de l’Allemagne dont somme toute l’unité était récente. Ce fut l’occasion de la rupture entre Foch et Clemenceau. Le maréchal était convaincu qu’il était nécessaire au moins de séparer la Rhénanie, la rive gauche du Rhin, du reste de l’Allemagne. Clemenceau n’y était pas hostile à l’origine, mais il se rendit rapidement compte que jamais, ni les États-Unis, ni le Royaume-Uni ne l’accepteraient et il fut conscient qu’il valait mieux obtenir des garanties que de s’accrocher à cette revendication. Pour les Alliés anglo-saxons, il était toute à fait inacceptable de prétendre créer une autre ou d’autres Alsace-Lorraine, alors que justement la guerre avait finalement permis le retour de l’Alsace-Lorraine à la France, retour qui se fit d’ailleurs sans plébiscite, ce que regrettèrent Wilson et Lloyd Georges. Conseillé par le général Weygand, Foch et Clemenceau furent conduits à polémiquer jusqu’après leur mort, puisque le Mémorial de Foch, dû d’ailleurs au journaliste Raymond Recouly, et la réponse de Clemenceau Grandeurs et misères d’une victoire parurent après la mort respective des deux hommes.
Tel qu’il fut conçu, le traité de paix provoqua une violente indignation en Allemagne de la gauche à la droite. L’opinion allemande se résignait à la défaite, mais refusait d’être seule et totalement responsable de la guerre. Elle refusait que ses deux millions de tués soient morts pour cela. Elle refusait de payer des sommes considérées comme démentes (même si des travaux américains récents indiquent que l’Allemagne avait les moyens de payer).Dès la réunion de Trianon, le ministre allemand des Affaires étrangères, un homme proche de la gauche, le comte von Brockdorff-Rantzau, manifesta ses sentiments en refusant de se lever lors de sa réponse (provoquant la violente colère du président Wilson) et employa l’allemand alors qu’il parlait parfaitement le français.
G. Clemenceau salue les soldats mutilés avant la séance de signature le 28 mai dans la galerie des Glaces, dessin paru dans l’illustration le 5 juin 1919
Plus que le coup de poignard dans le dos, par lequel la révolution aurait abattu une armée allemande invaincue, c’est le sentiment profondément ressenti de l’inadmissible injustice du traité de Versailles qui a empêché la République de Weimar de s’installer durablement. La dénonciation de Versailles a été une des principales rampes de lancement du nazisme. Si l’on devait rechercher d’autres conséquences des traités qui ont engagé l’avenir, il faudrait citer la disparition de l’Autriche-Hongrie, facteur de stabilité en Europe centrale, mais quoi qu’on ait des responsabilités de Clemenceau, il n’était à la portée de personne d’empêcher sa dégradation en 1918, réparations qui a brouillé les relations internationales pendant des années, avec comme point d’orgues, en 1929, le plan Young qui prévoyaient d’obliger l’Allemagne à payé des réparations jusqu’en 1988. Réparations que la grande crise économique obligea d’ailleurs à annuler avant même qu’Hitler arrive au pouvoir.
Traité de Sèvres : Arrivée en gare de Vaucresson de Damad Ferid Pacha, chef de la délégation turque, 1920
Au total l’Allemagne n’avait payé que 22 milliards de marks-or sur les 132 fixé en 1921, mais les effets sur l’opinion allemande ont été beaucoup plus profonds que les sommes réellement payées. On pourrait citer la grande idée de Société des Nations amoindrie dès l’origine par le refus d’y faire participer les vaincus, mais aussi la Russie soviétique, sans compter les États-Unis qui n’y participèrent pas non plus, après la décision du Sénat de ne pas ratifier le traité de Versailles. Il y eut aussi l’Italie, victorieuse mais frustrée, qui allait se donner au fascisme. On peut encore ajouter qu’il ne fut pas question d’étendre aux peuples colonisés le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
Signature du traité de paix avec l’Autriche dite traité de Saint-Germain-en-Laye, 10 septembre 1919
Symbole de l’histoire du traité de Versailles, les quatre principaux protagonistes disparaissaient presque immédiatement de la scène politique : Le premier président du Conseil italien Orlando dès 1919 avant même la signature du traité, le deuxième Georges Clemenceau qui se retirait de la vie politique après son échec à la présidence de la République le 16 janvier 1920, le troisième, le président Wilson écarté par son parti de la candidature à un troisième mandats dès novembre 1920, enfin Lloyd George qui démissionnait en octobre 1922. L’échec dut traité de Versailles n’était pas inévitable, mais il fut, sans doute, une des causes du déclenchement de la spirale qui devait conduire à la Seconde Guerre mondiale.
2 Réponses à “HISTOIRE DU TRAITÉ DE VERSAILLES”
26 juin, 2019 à 11 h 31 min
bonjour
j ais des négatifs en verre dont certains sont prise a Versailles extérieur pendant le traite de 1919, prise par un militaire du génie.
je ch a savoir qui cela pourrais intéresser.
merci de votre réponse
salutations
cyril bay
3 novembre, 2019 à 19 h 06 min
Bonjour
Je m’excuse pour le retard mon ordi a planté acheté un neuf. oui je serai intéresser d’avoir les photos. Je demeure au Québec Canada si vous voulez envoyer par la poste je vous donnerez mon adresse personnel. Merci à l’avance.