Le 24 août 1939, le général Maurice Gamelin (1872-1958), chef d’état-major général de la Défense nationale et commandant en chef des forces terrestres, vint s’installer au château de Vincemmes, dans les casemates T le long de la courtine sud donnant vers le bois.
Maurice Gamelin assis è son bureau du château de Vincennes 1939
Ayant visité le château en mars 1936, Gamelin explique dans ses mémoires : J’avais prévu mon poste de commandement au vieux château de Vincennes, car je ne devais pas m’écarter du gouvernement avec lequel il m’était nécessaire d’avoir des relations constantes. C’était une installation sobre et sans luxe qui correspondait à mes goûts personnels. En fait Gamelin s’isolait du ministère resté à Paris et de son subordonné, le général Alphonse Georges (1875-1951), installé à La Ferté-sous-Jouarre.
Ces casemates trouvent leur origine dans l’ordre du ministre de la Guerre du 26 avril 1831, prescrivant de renforcer le château de Vincennes pour en faire le refuge éventuel du gouvernement et le dépôt principal de la place de Paris. La révolution de 1830 avait mis Louis-Philippe sur le trône ET LA France craignait de voir l’Europe se coaliser contre elle. Prudent, le gouvernement décida d’entourer Paris de nouvelles fortifications. Le 14 septembre 1831, le général Valazé (1780-1838), chargé de ces travaux, présenta un projet permettant au château d’abriter la partie la plus précieuse du matériel que nécessite la réunion de l’armée qui doit occuper et défendre le camp retranché de Paris. Il proposait de doubler la vieille courtine du château par un rempart casematé qui donnera des abris à la garnison et aux approvisionnements.
Ce projet fut adopté le 26 octobre 1831 par le ministre et le roi vin visiter le chantier le 24 mars 1832. Entre l’été 1832 et l’été 1834, les casemates T furent construites sous la direction du chef de bataillon Honoré (1788-1837). Elles comportaient des travées de trois niveaux, séparées des piédroits et couvertes par des voûtes d’un mètre d’épaisseur. Ces voûtes étaient surmontées d’un massif de terre servant de protection contre les bombes et de plateforme pour l’artillerie. Les deux niveaux hors-sol, aménagés en casernes, pouvaient servir de casemates pour les canons en blindant les fenêtres ouvertes sur le bois. À propos des casemates T, le général Valazé écrit : la façade est d’une ordonnance simple, d’un style sévère et son opposition avec la richesse d’architecture de la façade des pavillons du roi et de la reine, contribue à les faire respectivement valoir. Mais les travaux avaient englouti les belles arcades et l’arc de triomphe que l’architecte Louis Le Vau (1612-1670) avait établis entre les deux pavillons. Un bataillon de chasseurs à pied, puis un bataillon d’ouvriers d’artillerie, furent logés dans les casemates pendant un siècle.
En août 1939, les casemates du rez-de-chaussée donnant sur le bois furent occupées par le général Gamelin, son cabinet et son secrétariat. De l’autre côté, les casemates donnant sur la cour accueillirent les deux sections de son état-major particulier. Le premier étage devint la salle à manger et le logement des officiers. Les cuisines, la centrale téléphonique et une installation de ventilation occupèrent le sous-sol protégé contre les bombes par une dalle de béton coulée dans les années 30. Pendant la Drôle de guerre, la vie à Vincennes fut rythmée par les réunions, les visites de personnalités et les mésententes entre Gamelin et Georges. Le 10 mai 1940, l’attaque allemande fut accueillie avec soulagement, mais dès le 16 mai, un vent de panique souffla sur le quartier général. Les 18 mais, Gamelin expose la situation militaire à Daladier, Reynaud et Pétain venus le voir à Vincennes. Le 20 mai il quitta le château en laissant son commandement au général Maxime Weygand.
Le 13 juin 1940, les derniers soldats français évacuaient le château occupé le lendemain par l’ennemi. Des services administratifs allemands s’installèrent à leur place, Le 24 août 1944, l’armée allemande en retraite fit sauter les trois casemates jouxtant le pavillon de la reine qui brûla. Entre 1946 et 1959, l’architecte Jean Trouvelot (1897-1985) fit raser les casemates T ébranlées par l’explosion et restaurer les arcades dégagées des maçonneries militaires. La cour sud du château reprit l’aspect qu’elle avait sous Louis XIV. Des casemates T, il ne subsiste aujourd’hui qu’une moitié de leur sous-sol.