Le 25 juin 1950 éclatait la guerre de Corée, conflit majeur de la guerre froide et l’un des plus meurtriers de la seconde moitié du XXe siècle. Cette guerre constitue alors le premier test pour l’ONU qui, pour empêcher qu’éclate un nouveau conflit mondial, fait appel à une force militaire internationale fournit par les États membres. L’engagement de la France, avec la participation d’un bataillon de volontaires qui s’illustra à maintes reprises ouvre la voie aux Opex et va sceller un partenariat avec la Corée du Sud.
Conseil de sécurité de l’ONU, New-York, 25 juin 1950
À la fin de la Seconde Guerre mondiale, la décision de diviser la Corée en deux zones d’occupation temporaires, soviétique et américaine, sans tenir compte des aspirations réelles du peuple coréen, provoqua la participation d’un pays unifié dès le VIIe siècle. La guerre froide favorisa la mise en place d’institutions séparées et l’échec des négociations de la commission mixte soviéto-américaine. L’arbitrage imparfait de l’ONU ne put empêcher la création de deux États coréens en 1948. Ainsi, volonté de réunification et cristallisation de l’affrontement des blocs aidant, la guerre de Corée éclata le 25 juin 1950, au terme d’un processus décisionnel long et complexe, marqué par la prudence de Staline et l’évolution de la situation internationale en Asie Orientale.
Marines américains partant pour le front, port de Pusan, août 1950
Les Soviétiques à la demande du gouvernement nord-coréen, avait entraîné Une véritable armée, dotée d’avions et de blindés, alors que les Américains n’avaient fourni à la Corée du Sud ni blindés ni artillerie lourde, considérant plutôt l’armée sud-coréen comme une force de maintien de l’ordre intérieur et non une armée de ligne.
Washington craignait de renforcer les troupes d’un Syngman Rhee lui aussi avide de réunifier la péninsule. Or, une large partie des sympathies populaires allaient aux doctrines de gauche dans un pays encore traditionnel, sans toutefois que les Sud-Coréens aient une connaissance profonde des subtilités de la dialectique marxiste. La simple justice sociale, le partage des terres alors que la réforme agraire avait déjà été proclamée en zone nord, le chômage et la crise économique découlant de la séparation du nord industriel d’avec le sud resté fondamentalement agricole, tout cela contribua à accentuer le clivage politique et les rancœurs. De plus, la police, héritière de la kempeitai japonaise, était connue pour sa brutalité, son usage quasi systématique de la torture et une fâcheuse propension à tirer dans la foule.
À la suite de diverses brutalité policières, Chejudo, la grande île du sud, entra en rebellions en avril 1948 et un régiment de gendarmes se mutina en octobre. La répression de ces troubles par la police, mais aussi par des auxiliaires composés d’anti-communistes radicaux, souvent réfugiés de Corée du Nord, sans discipline et non rémunérés , donna libre cours à une spirale de violence et de répression qui incitait à contester la légitimité du gouvernement de Syngman Rhee.
Rencontre entre le président Syngman Rhee et les généraux mac Arthur et Ridgway
Le 25 juin 1950, les armées nord coréennes, en envahissant le territoire de la Corée du Sud, ouvrent un long conflit de trois ans, 7 mois et 27 jours qui se prolonge jusqu’en juillet 1953. C’est alors l’événement le plus grave survenu dans le monde depuis la capitulation nazie, malgré les crises grecque et iranien ou le blocus de Berlin. Dans l’esprit des Occidentaux et notamment des Américains, cette attaque ne peut être qu’une nouvelle manœuvre de Staline. En réalité, le leader nord-coréen Kim Il-sung avait décidé dès 1948 de réunifier la Corée par les armes autrement une unification, par ailleurs légitime, de la nation coréenne. Staline refusa d’abord désireux de conserver la paix à ses frontières. La victoire de Mao et la fondation de la Chine populaire, le succès de la bombe atomique soviétique, furent de nature à modifier la vision stratégique de Staline. Craignant un rapprochement entre la Chine populaire et les États-Unis, il aurait imaginé, selon des études récentes, d’affaiblir à la fois ses alliés et ses adversaires en les faisant s’affronter en Corée.
Ce conflit, né paradoxalement d’une guerre civile survenue entre deux États artificiels excipant d’une même légitimité coréenne, ne tarde pas à s’internationaliser lorsque le Conseil de sécurité des Nations Unies appelé à la création d’une force de police internationale organisée sous l’égide de L’ONU et dirigée par les États-Unis, contributeurs du plus gros contingent onusien envoyé en Corée, en accord avec les résolutions du Conseil de sécurité des 27 juin et 7 juillet 1950. Ainsi s’ouvre l’un des pires conflits de ce qu’il est convenu d’appeler la guerre froide, expression qui a d’ailleurs connu une fortune inversement proportionnelle à la pertinence de la formule, est l’une des guerres les plus sanglantes du XXe siècle. En trois jours, les forces armées nord- coréennes s’emparent de Séoul quasiment déserté. À la fin du mois d’août, alors que les États-Unis ont commencé à transférer des troupes mal armées depuis le Japon, rien ne semble pouvoir arrêter les armées nordistes victorieuses qui se précipitent vers le sud. Mais les Américains et les Sud-Coréens s’accrochent finalement à la ligne de défense du fleuve Nakton qui protège la poche de Pusan.
Tir de barrage des marines américains contre les communistes chinois, 1951
Entre-temps le général Mac Arthur et le pentagone ont organisé l’acheminement de renforts et de matériels. Tandis que seize pays répondent à l’appel de l’ONU. Les États-Unis, la Grande-Bretagne, la France, la Belgique et les Pays-Bas, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et le Canada, l’Afrique du Sud, La Thaïlande, la Colombie et l’Éthiopie, la Grèce et la Turquie, les Philippines et jusqu’au petit Luxembourg contribuent militairement à l’effort de l’ONU. D’autres pays fournissent des navires-hôpitaux. La France malgré de profondes réserves dues aux sacrifices consentis en Indochine et au plan de réarmement de l’Europe occidentale, accepte finalement de détacher des troupes. René Pleven et Jean L’étourneau ont compris que la France doit non seulement tenir son rang international mais aussi donner des gages de solidarité militaire et de constances politique et si elle veut prétendre à une aide Américaine en Indochine ou en Europe; aussi concèdent ils la création d’un bataillon de volontaires. Formée à Auvours (Sathe), ce bataillon français de l’ONU en Corée (BF/ONU) est intégré à une structure baptisée Forces terrestres françaises de l’ONU, composée d’un état-major renforcé, avec des spécialistes, et du bataillon proprement dit. Le ministère de la défense entend profiter de l’occasion pour mener une mission d’information, notamment sur les qualités et défauts des blindés américains contre les chars soviétiques, sur l’utilisation de l’aviation tactique ou sur la lutte contre le froid.
Le bataillon rassemble des volontaires issus de l’active et des réserves, priorité étant faite aux réservistes ayant déjà fait campagne; Ils sont nombreux cinq ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale et alors que celle d’Indochine bat son plein. Pendant que les volontaires français s’entraînent encore en France, le général Mac Arthur qui a reçu les renforts nécessaires, lance le 15 septembre une opération amphibie contre Incheon, le port de Séoul, tandis que les forces de la poche de Pusan passe à l’offensive. À la fin du mois, l’essentiel du territoire sud-coréen est libérée, et le président Rhee peut entrer dans Séoul ravagé. Si la Corée du Sud est libérée, malgré la présence des maquis communistes qui ont accueilli les débris de l’armée Nord-coréenne piégée par l’opération d’Inchon et la reconquête, ni Syngman Rhee ni Mac Arthur n’entendent en rester là. Dès les premiers jours d’octobre, les Sud-Coréens ont commencé à avancer au nord du 38e parallèle. Ils sont rejoints par les Américains dès que l’ONU vote une résolution permettant ce franchissement. L’armée de l’ONU capture bientôt Pyongyan mais à l’hiver 1950, alors que le gouvernement du Nord s’est réfugié à la frontière, la Chine, après plusieurs avertissements, envoie son armée des volontaires qui se porte au secours d’une République populaire de Corée agonisante.
Traversée du 38e parallèle par les forces des Nations Unies, 1950
Les forces onusiennes et sud-coréennes sont contraintes à la retraite face à la puissance de l’offensive chinoise qui tire habilement parti du relief et des conditions météorologiques. En janvier, Séoul est à nouveau évacué sous la pression irrésistible des volontaires chinois. Les Américains parviennent à se reprendre à partir de février, sous le commandement du Ridgway. La lente reconquête du territoire perdu par les Américains, à partir du printemps 1951, et leurs succès dans la guerre aérienne permettent une remontée progressive sur le 38e parallèle. Les combats vont désormais s’installer sur un front courant à peu près sur cette ligne artificielle. Truman, refuse le Bellicisme jusqu’au-boutiste d’un Mac Arthur partisan de la guerre totale et ses déclarations tonitruantes qui mettent en péril la politique de Washington : Il finit par limoger le vieux général. Une partie des tensions s’apaisent et les communistes acceptent de négocier. Tout d’abord à Keasong, puis à Panmunjom, ces négociations connaissent de nombreux incidents et interruptions. La question de rapatriement des prisonniers de guerre pose bientôt problèmes après que le principe du libre choix de la destination de rapatriement a été établi par les Alliés, et alors que des dizaines de milliers de prisonniers communistes ne désirent pas rentrer dans leurs foyers.
Pourparlers sur le cessez-le-feu de Panmunjom, 1er octobre 1951 : Les colonels Murray et Chang Chun Sam de l’armée Nord-coréenne paraphent les cartes délimitant les frontières nord et sud
Les pourparlers sont rompus à plusieurs reprises. Cependant la guerre se poursuit, notamment avec les bombardements américains sur la Corée du Nord qui détruisent environ 80% des villes et industries. C’est destructions, durement ressenties par les Chinois et les Nord-Coréens qui perdent beaucoup d’hommes, poussent les Soviétiques à envoyer massivement du matériel, des pilotes et des mécaniciens. Bientôt, des unités entières de DCA vont être déployées en Corée du Nord et tentent d’interdire le ciel de Corée aux avions de l’ONU, tandis que l’artillerie communiste connaît une montée en puissance.
En ce sens, la guerre de Corée fut le conflit majeur de la guerre froide, puisque les armées de l’air soviétique et américain se sont affrontées directement, pendant d’au moins deux ans, au-dessus du territoire coréen. Cependant tout a été fait, à Washington comme à Moscou, pour occulter cette dimension du conflit en dissimulant à l’opinion publique l’existence de combats direct enfin d’éviter un embrasement général. Ainsi le plan de Mac Arthur pour bombarder la Chine ou le recours à l’arme atomique ont été finalement écartés des options stratégiques. De même les incidents dans lesquels des avions soviétiques furent abattus par la chasse américaine par erreur furent largement étouffés aucune des deux puissances ne désirant ouvrir un conflit général.
Bataillon français de l’ONU en Corée : Surveillance dans le secteur de Kumhwa, avril 1952
Avec la mort de Staline en mars 1953, les négociations progressent plus rapidement, le Kremlin souhaite apaiser certaines tensions en Asie et en Europe. En juillet l’armistice fut enfin signé par les principaux belligérants, achevant un conflit qui fit de deux à trois millions de morts en trois années et huit mois de guerre. La guerre de Corée fut pour le bataillon français de l’ONU l’occasion de prouver sa vaillance. Au cours de ses trois années d’engagement cette unité de marche se couvrit de gloire en des lieux tels que Chipyong-ni et Twin-tunnels, 1037 Putchaeteul, Crèvecoeur ou Arrow-Head. De l’avis des experts, avec deux citations présidentielles coréennes, trois citations américaines et une pléthore de citations françaises, le bataillon français de l’ONU est l’unité la plus décorée de l’armée des Nations Unies et n’a jamais abandonné de positions ou fait de retraite du fait de l’ennemi. Pourtant, malgré ce résultat impressionnant et alors que la contribution française au conflit coréen ouvrit aussi la tradition française des Opex au service de l’ONU, le souvenir de sa participation brillante ses longtemps obscurci.
Volontaire du BF/ONU à l’entrée du camp, juin 1952
Après des débuts modestes en 1948, avec la surveillance de la trêve du conflit israélo-arabe, la guerre de Corée fut l’occasion pour la France de s’engager plus fortement dans les opérations onusiennes. Tradition qui ne s’est pas démentie jusqu’à nos jours, puisqu’en 1995, la France était le premier pays à contributeur des forces de maintien de la paix avec le déploiement de plus de 5000 hommes à travers le monde. Un chemin de la mémoire est bâti depuis 2007 en Corée, sur les lieux mêmes des combats et des principaux bivouacs des Français, grâce à un partenariat entre l’association nationale des anciens et amis des forces françaises de l’ONU (ANAAFF/ONU), l’association coréenne pour le souvenir de la participation française pour la guerre de Corée, et divers organismes et fondations françaises et coréennes.
Camp de base du BF/ONU à Kapyong
Outre le monument de Suwon, celui dédié au commandant-médecin Jules Jean-Louis (troisième statut dédié à un étranger dans toute la Corée), le cimetière des Nations-Unies de Pusan ou les listes nominatives du Mémorial de la guerre de Séoul, le chemin de la mémoire est constitué de stèles et plaques commémoratives rappelant, en français, coréen et anglais, le séjour et le sacrifice du bataillon français de Corée, sou le titre de Pour la liberté.