Loin des clichés convenus d’une défaite rapidement consommée par manque de combativité des forces alliées, la campagne de mai-juin 1940 a donné lieu de violents affrontements et entraîné des pertes très élevées. La base de données nominales, établie par le ministère de la défense et désormais accessible sur le site Internet Mémoire des hommes, a permis de dresser un nouveau bilan précis de ces pertes, bien inférieures aux chiffres longtemps avancés.
Soldat français blessé lors de prise du village de Thulin par les Allemands, mai 1940
Eu égard à la brièveté de la campagne et à l’impossibilité pour l’armée française, dépassée par les événements, de dresser une comptabilité de ses pertes, celles-ci ont fait l’objet d’estimations variables oscillant entre 90 000 et 123 000 hommes. Le manque de sources, mais aussi la confusion plus ou moins volontairement entretenue avec les pertes enregistrées lors de la (drôle de guerre), environ 10400 morts du 3 septembre 1939 au 9 mai 1940, les prisonniers décédés en captivité entre 30 et 40 000 voire avec les civils déclarés à l’État-civil, morts pour la France en mai-juin 1940, ont longtemps contribué à maintenir ce flou statistique. À partir de la base de données nominales établie par le ministère de la défense sur, les militaires décédés durant la Seconde Guerre mondiale, il est désormais possible de dresser un état assez précis de ces pertes, soit quelque 55500 soldats morts entre le 10 mai et le 30 juin 1940 auxquelles pourraient s’ajouter jusqu’à 6300 individus dont la situation, insuffisamment renseignée, exigerait un examen plus approfondi. Il faut encore y ajouter une partie des quelques 2650 décès enregistrés en France en juillet et août 1940, correspondant pour certains à des soldats ayant succombé à leurs blessures reçues lors des combats. Enfin, les pertes de la Marine, qui ne figure pas dans la base de données, se sont élevées à 1142 tués ou disparus du 2 septembre au 25 juin 1940.
Contrairement ce qui a été souvent affirmé, ces pertes sont donc inférieures à celles des tous premiers mois de la Grande Guerre, de loin les plus meurtriers du précédent conflit. Elles n’en révèlent pas moins toute la violence des combats, Du côté allemand, le nombre de soldats tués est moitié moindre, avec quelques 30000 morts, on relève par ailleurs un décalage des ratios allemands français entre les tués et les blessés (1 pour 3 contre 1 pour 2), conséquence de la désorganisation des services sanitaires français en pleine déroute militaire. Pour leur part, les armées belges et néerlandaises comptent respectivement 7500 tués et 2900 tués dans leurs rangs. Aucun chiffre n’est connu pour le nombre de morts au sein de la British Expedionary Force. Il est enfin noter l’ampleur des exactions commises lors de la campagne envers les troupes alliées en particulier les soldats coloniaux, mais aussi en l’encontre des populations civiles en Belgique et dans le nord de la France, mais si le bilan est bien inférieur aux 6500 victimes recensées en 1914.
Graphiques des lieux de morts et de captures
Tel un sismographe des combats, la répartition dans le temps et l’espace des pertes françaises et allemandes permet une lecture en creux des opérations. Les graphiques montre que une fois passée la surprise initiale, la Wehrmacht, a fait face ç une vive résistance jusqu’à l’annonce de la demande d’armistice. Ainsi, lord de la première décade de combats, du 10 au 20 mai. Les Allemands progressent au prix de pertes relativement faibles au moment du coup de faucille jusqu’à la Manche. La résistance se durcit ensuite : Alors que le nombre de soldats allemands mis hors de combat augmente très sensiblement, les troupes françaises encerclées dans le département du Nord y subissent, avec quelque 7700 tués, leurs plus lourdes pertes de la campagne.
Graphiques des pertes Allemands et Français
L’extrême violence des combats sur la Somme et l’Aisne, du 5 au 10 juin, se lit par ailleurs dans les pertes enregistrées de part eu d’autre entre 4500 et 500 tués français dans chacun des départements de la Somme, de l’Aine et des Ardennes. Si elles fléchissent, celles de l’armée allemande sont encore élevées dans la seconde décade de juin et restent supérieures à celles des onze premiers jours de la campagne, illustrant la combativité des troupes françaises. En dépit de la faiblesse de l’échantillon étudié, la géographie des lieux de capture des soldats français révèle de son côté les deux principaux lieux d’encerclement de cette campagne : Le département du Nord 1re armée dans la poche de Lille, groupe d’armée no 1 à Dunkerque et celui des Vosges 3e, 5, et 8e armées. L’on y devine également les axes de progression des Panzers une fois percé le front de la Somme ligne Weygand : Le long des ports de la Manche et de l’Atlantique, corps d’armée Hoth, de Picardie à la Bourgogne groupe blindé Kleist , l’avancée du XVIe corps jusqu’à Saint-Étienne, ou encore celle du groupe blindé de Guderian jusqu’à la frontière Suisse.
Enfin, la chronologie des pertes françaises tués et prisonniers révèle à quel point le message radiodiffusé de Pétain dans lequel il annonçait qu’il fallait cesser le combat a brisé le ressort des troupes qui luttaient en se repliant. Au final, 1,8 million d’hommes partent en captivité, soit les deux tiers des effectifs de l’armée de terre française.